Menich maect een roede tot sijn selfs eers

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  • « Menich maect een roede tot sijn selfs eers » , autrement dit « souvent les gens se taillent une verge pour se la mettre dans le cul ». Sachant que j’outrepasse ici la réserve déontologique qui incube forcément aux philosophes qui pullulent en ces temps de courtoisie intellectuelle,  j’ajoute simplement ceci : que celui qui n’a jamais taillé jette la première pierre.
  • Dans l’atmosphère obscène mais démocratique, démagogique jusqu’à la nausée, je fais office, avec quelques autres (en définitive, sommes-nous si nombreux ?) de gros éléphant dans un magasin de porcelaines en toc. La faute à la petitesse d’une époque, à sa mesquine hypocrisie, au ridicule étalonnage de sa métrique. Je tiens ceci pour acquis : la liste des démissions séculaires de ce temps-là aurait confondu de honte un honnête homme des années 50. Quelques épuisés, pompeurs de références et compacteurs de vieux mots, me disent déjà prophète ? En retour, je les fais moutons et ânes. D’autres, non moins insignifiants, s’essayent au diagnostic ? Le mot fait florès : ressentiment. La preuve écrite de leur consentement asilaire aux pires vernissages me fait ressentir l’ampleur du gouffre qui nous sépare. Que ces apprentis poseurs d’entonnoirs fassent de ce verbe sensible un adverbe de manière, voilà qui en dit suffisamment long sur la nature de leurs manies. Par l’ajout d’un mens ces faiseurs de mirages oseraient-ils se croire à l’abri de l’esprit ? Aucune révolution ne sortira de cet avachissement général de l’homme, aucun rebond n’est à attendre ou pire à espérer. A la différence des bavards qui conspuaient Dieu pour faire joli sur leur petit cahier, dans ces combats, nous jouons notre survie.
  • Qui pense encore sauver la Culture, le Savoir, les Humanités ou toute autre noix creuse est déjà perdu. Il trouvera sur son chemin mille bonnes âmes pour abonder dans son sens et remplir ses noix creuses des pires forfaitures. Nietzsche, soi-disant prophète –  de l’avis inutile des moutons et des ânes – annonçait qu’il faudra désormais parler à la fierté des hommes et c’est bien à la fierté des hommes que nous parlerons désormais. L’homme, hélas, a besoin de sentir son esprit humilié pour se hisser au-dessus de lui-même, il a besoin de se savoir misérable pour se dépasser. Ce vieil enseignement, notre temps s’est assis dessus. Et la raison de cet état de siège fascinera par sa sobriété : le vieil enseignement est incompatible avec le grand marché économiquement rentable des crétins libérés. Afin d’accomplir la grande révolution du « dernier homme » (formule que je tiens pour indépassable), il a fallu que l’homme se libère de la conscience de sa misère, du pesant fardeau de ses humiliations.  Il devait pouvoir assumer au grand jour sa plus crasse paresse et sa plus basse idiotie. Mais il fallait créer pour cela les conditions collectives pour qu’il puisse, sous les projecteurs, se dire fier de sa nullité. J’assume ! Cette formule, pour qui a encore des oreilles, condamne l’homme plus sûrement que tous les systèmes d’exploitation de l’homme par l’homme. J’assume ! Mais assumeras-tu jusqu’au bout ? Jusqu’à quel point es-tu capable d’assumer en face d’une pensée qui, pour vouloir l’homme, veut ton humiliation ? Le déni ? Mais je te séduirai et je ferai en sorte que ma critique emporte ton déni au-delà de toi-même jusqu’à ce point terrible où tu devras choisir : moi ou lui ? Plutôt, moi ou plus que moi, un dépassement de moi-même, une plus grande hauteur, la conquête d’un nouvel orgueil et d’une nouvelle fierté. Cet homme est fou ! Tant que tu vois un homme c’est que la partie n’est pas encore gagnée.