Face aux pervers – Adresse aux professeurs de l’Education nationale.

Face aux pervers –

Adresse aux professeurs de l’Education nationale

  • « Il (Jean-Michel Blanquer) se donne ainsi les moyens d’en finir avec le bac comme examen national, sans donner l’apparence de le vouloir, tout en suscitant le désir de sa suppression… pour faire triompher la logique concurrentielle de Parcoursup combinée au contrôle continu et à « l’autonomie », et aller le plus vite possible vers un éclatement du cadre national de l’enseignement public, conformément à son projet d’ensemble: application de la loi de la transformation de la Fonction publique, c’est à dire fin du statut, contractualisation, nouveau CAPES etc… »

 

  • Excellente analyse d’un collègue à propos de la décision de Jean-Michel Blanquer de faire passer l’épreuve de philosophie tout en laissant la possibilité aux élèves de choisir la note obtenue ou celle de contrôle continu…
  • … mais j’insiste sur une chose  : la conscience d’un problème et d’un mouvement ne suffit pas. Je n’arrive plus à lire les essais d’analyse de la situation car nous avons tout sous les yeux. Ils me tombent des mains. Nous savons et ceux qui ne savent pas ne veulent pas savoir, ce qui est très différent. C’est leur choix. On peut appeler ce choix « dépolitisation » cela ne change rien à sa nature. Ils décident de faire avec parce que la réaction à hauteur de la démolition serait trop couteuse et pas seulement financièrement (même si cet aspect du problème n’est pas négligeable quand il s’agit de résister par la grève).
  • Oui, nous avons en face des pervers avec un pervers-en-chef en la personne de Macron. Très bien. Nous savons tout cela. Que faut-il mettre en face d’une perversion ?

    Une position

    On ne négocie pas avec un pervers, on le quitte. On s’en sépare. On lui renvoie le principe de réalité, rien de plus. Autrement dit, toi l’anguille tu es et tu te places sur tous les terrains ? Très bien pour toi. En face de toi, je suis là et je ne bougerai pas d’un iota.

  • Sans excitation, sans hystérie, sans rentrer dans la perversion (surtout pas) mais en étant déterminé à ne pas lâcher le point réel (toute référence à Platon et à sa caverne n’est pas fortuite). C’est quoi tenir le point réel ?
Non je n’ai pas choisi ce métier pour faire passer un entretien d’embauche à un élève.
Non je ne peux pas évaluer des gesticulations.
Non je ne peux pas supporter, sans dommage pour mon intégrité mentale, de corriger une épreuve qui ne comptera pas.
Non je ne peux pas subir une formation débilitante et totalement vide.
Non je ne supporte pas de voir Macron – une vidéo d’exemple de « grand oral » faisait explicitement référence au « président philosophe » très éloquent dans une formation en ligne proposée par la DAFPEN.
Non je ne suis pas un petit pion à qui on peut faire faire n’importe quoi.
Non je ne vais pas contribuer sans réagir à la démolition de mon métier.
Non je n’oublie pas que tu as envoyé la police dans les établissements pour faire passer les E3C.
Non je n’accepte pas le Grenelle de l’Education (je vous mets un lien en bas) avec Pascal Papé et l’IGPN.
Etc…
  • Oui, je me respecte et je vais me faire respecter pour rester debout en face du pervers. Rappelons que ces gens ont pris des sanctions qui ont été cassées au tribunal administratif (Poitiers), que nous étions justement à Poitiers au mois d’octobre pour soutenir nos collègues dans cette lutte qui est juste car conforme à l’idée que nous nous faisons de l’Education nationale et du service public d’éducation en France, que ce sont justement des barbouzeries administratives qui nous font face.
  • Alors moi je veux bien la perversité et les analyses, les réflexions plus ou moins profondes sur le néo-libéralisme et l’adaptation (j’en parlais déjà en 2012, le temps passe) mais là nous ne sommes plus à cet endroit du tout. Des collègues parlent de démission, la dépression nous guette tous, la vacuité avec. L’effondrement dans l’insignifiance enfin.
  • La vraie question est celle de notre position et tenir une position en face de pervers déterminés à nous briser (car il s’agit bien de cela) c’est dur, c’est conflictuel, ce que d’aucuns appellent « politique » dans des colloques mais en étant souvent bien loin de mesurer ce que la détermination politique implique d’usure au quotidien et d’inconfort dans sa vie.
  • Nous le savons, il n’y aura plus d’abris, de planques, de caches protégées. Le capital montre les crocs, s’étant longtemps caché derrière le consensus mollasson de la social-démocratie à laquelle nous avons tous tétés. Moi le premier. 
  • Mais là c’est terminé, le bal masqué est terminé, les masques tombent. Derrière les arrangements qui ont pu nous donner l’impression d’une préservation, il n’y a plus rien. Derrière « la vocation » de Vallaud-Belkacem, il y a l’appauvrissement des enseignants. Derrière la « bienveillance » de Blanquer, il y a le mépris et la caporalisation. Des menaces et des sanctions. Ce sont les mêmes mais Blanquer-Macron va au bout car il sent, il est juste meilleur, que c’est maintenant qu’il faut porter l’estocade définitive et il a raison. Dans sa logique, avec son pouvoir d’agir, avec les mêmes objectifs, nous ferions exactement la même chose.
  • Le pervers quand il sent la faiblesse a toujours raison car sa raison n’est qu’une force déguisée qui se nourrit de la faiblesse qu’il sent en face de lui.
  • Partons donc d’un constat simple, le point réel : nous sommes faibles mais nous pouvons ne plus l’être. Le véritable enjeu, le nôtre, c’est d’étalonner notre force ou notre faiblesse définitive en face de la perversion. Rien de plus.
  • La question est donc : comment agir et la grève ciblée reste historiquement l’outil de visibilité et de combat. Peu importe si l’élève qui n’est pas là pour penser au devenir de l’Education nationale n’aura pas de professeur de philosophie dans « ce grand oral » truqué. De toute façon, c’est le principe de cette épreuve éventée : faire faire n’importe quoi à n’importe quel professeur avec pour horizon la polyvalence et les formations au rabais.  La paye ira avec. Ce n’est pas notre problème mais celui du ministère qui ne nous prend pas au sérieux et il a raison. Soyons plus sains dans nos raisonnements. En gros, je m’oppose ou pas, je tiens le point réel ou pas.
  • Je joue le jeu du pervers ou je lui dis « stop ».
  • Le reste permet peut-être de passer à France culture : on peut en effet analyser pendant des décennies les stratégies néo-libérales en faisant même un billet. Le pervers s’en cogne de France culture. D’ailleurs, il y en a aussi à France culture des pervers, leur monde est décidément bien fait. Ce qu’il voit par contre, le pervers, ce qui l’intéresse, c’est qu’au moment de la décision, le faible le suit et agit comme il veut qu’il agisse. Ni plus ni moins. C’est son point réel à lui. Lui au moins est cohérent comme peuvent l’être les fondés de pouvoir du capital. 
  • Nos scrupules d’impuissance par contre, nimbés de lucidité, le sont, hélas pour nous,  beaucoup moins.