L’heure du choix –
Grève du 4 juillet 2019
- Aujourd’hui, 4 juillet 2019, jour des délibérations des jury du baccalauréat, correcteur d’un lot de copies corrigées (j’ai d’ailleurs mis un 20/20 pour la première fois de ma carrière) je suis en grève reconductible pour le troisième jour consécutif. C’est la première fois de ma vie. C’est une décision grave que j’ai prise en toute conscience dans une AG exceptionnelle qui s’est tenue hier à la Bourse du travail à Bordeaux avec mes autres collègues (de philosophie, en majorité, mais pas seulement). Dans cette académie, nous sommes 27 correcteurs à nous être déclarés en grève lors de cette AG. Il est possible que d’autres correcteurs soient grévistes dans l’académie ce matin sans qu’ils aient pu être présents et comptés à l’AG exceptionnelle d’hier soir à la Bourse du travail
- Depuis hier, dans une rhétorique obscène et délirante, un travail de sape est entrepris par certains faiseurs d’opinion. Nous les connaissons très bien : « intérêt de l’élève », « prise en otage », « sadisme » etc. Ces différents cacatoès dont le grand public connait la variété sans toujours mesurer les dégâts occasionnés par leurs discours, ne s’adressent pas à une opinion éclairée ou plutôt ils ont pour fonction d’enténébrer une opinion qui pourrait être attentive à d’autres discours. Il m’est impossible de répondre ici dans le détail, ce n’est pas le moment. Nous le ferons le temps venu.
- La représentation médiatique de ce qu’est réellement le service public, la mise en cause systématique de ses agents, les doutes constants qui planent sur eux, m’a décidé, avec d’autres, à aller au bout de cette grève en toute conscience. Je ne parle pas ici des professeurs, lycée, collège, primaire mais de l’ensemble de la fonction publique qui est attaquée comme jamais sous la Vème République dans un traitement malsain de l’information. Ce sont là des problèmes très complexes, fondamentaux pour l’avenir de la République française mais écrasés par des discours qui empêchent toute autre alternative que la marche forcée que nous subissons au quotidien ? Vers quoi d’ailleurs ? Une plus grande qualité du service public ? Certainement pas. Dans l’éducation nationale, mon domaine, un véritable plan social est à l’œuvre. Il va profondément affecter la qualité du service devant les élèves, les principaux intéressés et cela sans réelles concertations.
- Alors pourquoi la grève dure. Parce qu’il est impossible de se faire entendre autrement. Nos revendications sont fondées et légitimes. Je suis fonctionnaire de l’Etat français, il est 6h04 et dans 2h je dois être dans mon jury. Je n’ai jamais manqué à un tel devoir, mon devoir. Dans l’année nous formons les élèves, les accompagnons, jusqu’à l’obtention du diplôme et ce qui se passe aujourd’hui me fait mal au cœur, nous fait mal au cœur mais il faut le faire pour nos élèves. Nous nous le devons. De très nombreux agents de la fonction publique ont fait grève cette année. Pour quels résultats ? Pour quelle écoute ? Dans quel climat répressif ? Pour quelles négociations, avec les syndicats, avec les collectifs d’usagers du service public ? Maintenant, ça suffit.
- Nous sommes déterminés et ce n’est pas les menaces délirantes, les admonestations ridicules des grandes gueules de rien du tout qui nous feront taire. Ce gouvernement, légitime par les urnes, est allé trop loin dans le déni de légitimité qu’il doit aussi à ses fonctionnaires. Le service public doit être défendu contre les margoulins, les aventuriers de la disruption sans tête et les communicants de rien. Dans quelques semaines la loi de confiance pour l’école menacera ma parole, notre parole, menaçant en retour les usagers du service public que nous sommes tous. Il n’était que temps que nous la libérions en partant d’un acte symbolique mais très fort. Nous savons que des collectifs de parents se sont formés, des élèves en nombre nous soutiennent. C’est aussi cela le jeu de la démocratie Monsieur Jean-Michel Blanquer.
……….
Le paradoxe, c’est que les professeurs en grève aujourd’hui défendent ce qu’on leur reproche d’empêcher et qui, sous sa forme actuelle, disparaîtra.