Collectif Aquitaine Philosophie

Collectif aquitaine philosophie

  • Le Collectif insiste sur l’importance de la réunion du mardi 3 juillet à 18h à la Bourse du travail (certains seront peut-être venus au café philosophique à la petite librairie à 14h).
  • Les collègues présents à cette réunion, correcteurs du bac pour une majorité d’entre eux, dans différentes disciplines, seront à cette heure du jour en grève. Il sera question de la suite à donner au mouvement et d’un premier bilan en lien très étroit, heure par heure, avec les autres académies. Les réactions du ministère seront elles aussi déterminantes.
  • Il est évident que cette réunion aura aussi, pour notre discipline, une vertu fondatrice. Nous nous devons désormais, face aux menaces réelles qui pèsent sur notre enseignement et sur notre santé mentale, de construire une force qui aura une visibilité dans l’espace public.
  • Trop longtemps dépolitisés, nous redécouvrons brutalement cette évidence : nous enseignons dans la cité et pas dans un désert solipsistique avec le ciel étoilé au-dessus de nos têtes. Aujourd’hui, notre place n’est plus acquise, elle est disputée, elle le sera encore plus demain. Certains affirment même, haut et fort, que la philosophie est aujourd’hui partout, sur You Tube, dans les podcasts de France culture, dans les séminaires d’entreprise, partout, sauf dans nos salles de cours. Nous devons aussi nous situer sérieusement et collectivement face à cette menace mortelle. C’est le discours dominant. Si c’est bien le cas, si tout est dans tout, alors que nous reste-il ? Qui devenons-nous exactement ? Et qu’avons nous à répondre à ceux qui nous feront faire demain n’importe quoi ?
  • D’aucuns parlent de corporatisme. Cela n’a strictement aucun sens. Si corporatisme il peut y avoir, il faudrait plutôt le chercher dans la défense sans nuance des statuts plutôt que dans celle des disciplines. Nous avons trop vite oublié que les statuts furent constituées historiquement dans la République française pour protéger les contenus disciplinaires de la pression politique, de la valse des ministères. Ils étaient un moyen au service d’une cause non pas une fin en soi. Pour cette raison, il est essentiel de partir de notre corps de métier, non pas pour le défendre aveuglement mais pour fonder en idées  l’importance de nos statuts. C’est à partir de cette réflexion située que nous devenons crédibles pour l’opinion, cette reine du monde, crédible pour penser la réforme « accélérée » de la fonction publique.
  • Si la fonction du professeur de philosophie est d’enseigner l’art de l’éloquence pour l’exemple, il peut être remplacé sans mal par un professeur « d’art oratoire » (Cyril Delhay, responsable du rapport fumeux et hautement grotesque sur le grand oral et multi-casquettes). Pour quelle raison devrait-il alors conserver un statut quand le second se déplace dans un champ de concurrence ouvert ? Cette question fondamentale doit être posée et elle n’est pas corporatiste au mauvais sens du terme. Elle interroge, pour nous défendre des attaques brutales qui nous frappent aujourd’hui, la nature de notre métier, sa spécificité.
  • Bien  sûr, cette réflexion paraîtra peut-être dilatoire pour les révolutionnaires théoriques qui veulent tout et tout de suite. Vouloir tout et tout de suite, mélanger tout et n’importe quoi, c’est à la fin ne rien vouloir du tout et préserver sa belle âme en se souvenant des héroïsmes passés. Le bon vieux temps de la vraie lutte. Voilà le ridicule. La radicalité et l’exigence sont, aux antipodes de ces postures convenues, d’une autre nature.
  •  Certains collègues ne feront pas grève mardi mais réaliseront peut-être l’année prochaine que les bougonnements de vestibules ne sont pas la panacée, d’autres seront en grève mercredi, d’autres encore arriveront avec les copies sous le bras au centre d’examen jeudi, d’autres enfin seront en grève le 4 juillet. Tout est possible mais tous auront corrigé le baccalauréat consciencieusement. Mais une chose est sûre, seule la politique de la nuance et des petits pas, déterminée et confiante dans sa force et dans sa probité, pèsera demain sur les décisions publiques. Tout cela se construit et nous sommes enfin en train de le faire avec sérieux et un sens collectif des responsabilités qui dégonflera demain les menaces de ceux qui se dédouanent des leurs.
Collectif Aquitaine Philosophie

Un collègue professeur de philosophie, le 29 juin 2019

Message envoyé par un professeur de philosophie, le 29 juin 2019

 

  • « A une majorité, nous avons pris la décision de faire grève le jour de la remise des notes. Cette action est purement symbolique puisque les délibérations se dérouleront comme prévu ou avec un jour de retard. Mais l’essentiel est de frapper les esprits quand on ne peut frapper rien d’autre. Notre métier est en train de changer dans des proportions vertigineuses : flicage, tâches administratives, contenus d’enseignement  pitoyables, autorité et liberté pédagogique bafouées, choix du profil d’enseignement par le chef d’établissement (place au copinage, au népotisme et au clientélisme), recrutement par contrat d’étudiants sous formés et corvéables, classes surchargées et indifférenciées et j’en passe. C’est l’effondrement de l’école de la République, méritocratique, exigeante et égalitaire. C’est l’intrusion brutale des méthodes de management néo-libérales dans une machine bureaucratique qui, historiquement et culturellement, voue une méfiance crasse à l’égard de toute expression de singularité et d’originalité en son sein. Les têtes creuses du formalisme pédagogique et du flicage administratif ont gagné la bataille. Nous voilà déconsidérés et marginalisés au sein même de l’institution que l’on sert et que l’on fait perdurer dans le même temps. »

J’ajoute que nous y perdrons tous, y compris les malins qui devront vivre dans une société où la bêtise collective nuira aussi à la jouissance stérile de leur indifférence individuelle.

 

 

Défense de l’Etat français contre ses faussaires

Défense de l’Etat français contre ses faussaires

Gaston Bachelard, un philosophe

  • Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Ce qui se joue pour l’avenir de l’enseignement de la philosophie dans les jours à venir, à la pointe de la contestation des réformes Blanquer, est décisif pour l’avenir de cette discipline dans le secondaire. Mais derrière cette discipline, qui ne donne aucun privilège mais qui peut donner à l’esprit les moyens de les penser tous, ne nous trompons pas d’objet : c’est d’une conception de l’homme dont il est réellement question. C’est cela que nous allons chercher à faire valoir dans l’académie de Bordeaux ce matin en commission d’harmonisation. Harmoniser quoi d’ailleurs ? Des moyennes, des médianes, des petits bâtonnets ? Quand les professeurs trichent, inventent vaguement une moyenne pour se conformer, sans aucune conviction, aux attentes du ministère dans un mensonge éhonté, qui sont les faussaires ? Il a été demandé, sous couvert d’exemplarité, de ne pas délivrer des 20/20 cette année mais ce mensonge là, qui en parle ? Le mensonge qui consiste à créer une réussite sans réalité, des succès sans contenus, un saupoudrage culturel dans ce qu’il faudra désormais renommer le ministère de l’animation nationale. Que doit-on penser quand une inspectrice de lettre demande aux enseignants dans une formation d’être « férocement bienveillants » et d’être « sexy » pour faire « vivre un enseignement de spécialité menacé par la concurrence des autres spécialités » (et elle a raison sur ce point) quand une collègue de philosophie, sérieuse, nous explique en formation qu’il faudra faire des ateliers en fin d’année pour tenir les élèves qui abandonneront cette fameuse spécialité de rien du tout (et elle a raison aussi).

 

  • C’est d’ailleurs ici que le sort de la philosophie est sans égal avec celui des autres disciplines. Pour preuve, il n’y a pas de « spécialité philosophie » dans la réforme Blanquer car cet enseignement est d’une autre nature. Bachelard a mille fois raison : « la philosophie ça sert à penser, alors si vous voulez vous priver de pensées originales, vous pouvez vous passer de philosophie ». (INA) Tout est dit, en deux phrases. A côté de cette vérité là, l’ignoble baratin communicant des hommes de paille du grand marché éducatif, cette pompe à merde et à fric, peuvent aller se faire foutre. Qu’ils nous marchent dessus honnêtement, martialement, avec la franchise au combat de celui qui veut notre mort. Voilà ce qui serait, au moins, honnête. Qu’ils arrêtent de nous vendre leur soupe infecte, leur démagogie de bazar, sexy, bienveillante, pour les élèves alors que les élèves et leurs fameux « intérêts » sont les premiers, et ils le savent en remplissant parcours sup chaque année, à être pris pour des imbéciles par un Etat de moins en moins soucieux de ce qu’ils vivent dans la cité. La preuve, il leur tire dessus.

 

  • Soyons clairs : plus de République, plus de philosophie. Les deux se tiennent. L’une ne peut pas vivre sans l’autre. L’une mourra avec l’autre. Rien de corporatiste dans tout ceci, Bachelard était aussi et surtout un grand épistémologue, un homme probe, un esprit puissant pas une girouette « philosophe écrivain » adoubée par des lâches et des cuistres, par les faussaires qui font aujourd’hui, en France, le beau temps et le beau temps de cette culture inoffensive supposée éduquer. Ce que je dis là depuis la philosophie vaut bien sûr au-delà d’elle-même. En détruisant la logique des disciplines, c’est-à-dire la formation de l’esprit dans toutes ses dimensions, l’Etat prépare les conditions d’une citoyenneté au rabais et c’est justement cela que veulent les petits hommes de paille du grand marché sans tête, un citoyen unijambiste, cul de jatte, éborgné, aveugle, des moignons d’homme, des bouts de ficelle d’humanité. C’est contre cela que nous allons nous battre, certainement pas contre l’Etat (laissons cela aux crétineries libertaires à la Onfray ami des marchants de papier et aux libertaires anti-Etat en carton pâte qui n’ont toujours rien compris) mais depuis l’Etat, à l’intérieur de l’Etat, dans l’Etat républicain, pour la République.

 

  • Alors oui mes amis, le propos est emphatique pour les nihilistes malins qui ne croient plus à rien et encore moins à eux-mêmes, pour les marchands de niaiseries pédagogiques sexy et bienveillantes, je vous l’accorde, il pose un ordre de valeur et une hiérarchie. Il est raide. Il désigne des adversaires idéologiques, il est essentiellement politique. C’est cela que je sentais encore confusément en 2017. C’est cela qu’il faut clarifier aujourd’hui. Ce mouvement de révolte des professeurs de philosophie n’est pas une défense de La philosophie (propos ridicule) mais une défense des conditions républicaines de la formation d’un homme qui pourra comprendre encore demain ce que le mot « politique » signifie et avec lui le mot « liberté ».

 

  • Nous avons les raisons, ils ont les armes ; nous avons les idées, ils nous répondent avec un clin d’œil et des pets de bouche. Je suis fonctionnaire de l’Etat français, je suis chargé d’une mission éducative, une très vieille mission à laquelle le philosophe Platon (aujourd’hui placé à côté du pubard Beigbeder –  ce salaud sartrien qui pose avec un livre de Baudrillard un an après la mort du sociologue critique dans une publicité pour les Galeries Lafayette – dans les manuels relativistes HLP) a consacré ses plus puissantes pensées. Aujourd’hui l’Etat  français, dévoyé par des faussaires qui se servent de la force publique au lieu de la servir, est en train de nous rendre cette mission impossible, de conspirer contre lui-même. Mardi, certains professeurs de philosophie, seront grévistes pour une cause qui les dépasse tous. Que ceux qui pensent le contraire retourne à l’école. Nous nous y sommes.

 

Ossature intellectuelle à l’adresse des professeurs de philosophie et des curieux pour que le cours « Humanités, Littérature et Philosophie » ne se transforme pas en bouillie, ce qui sera évidemment le cas sans un réel travail critique.

Ossature intellectuelle à l’adresse des professeurs de philosophie et des curieux pour que le cours « Humanités, Littérature et Philosophie » ne se transforme pas en bouillie, ce qui sera évidemment le cas sans un réel travail critique.

(Rentrée 2019, première partie)

Cours HLP (première partie)