L’arc de la défaite

L’arc de la défaite

  • La démocratie française repose sur une unique élection : l’élection présidentielle. Cette élection repose, dans l’abominable jargon, sur un seul critère : la présidentiabilité. Cette fameuse présidentiabilité repose enfin sur le dispositif qui la construit : la sainte famille médiatique. Cette famille est aux mains d’intérêts financiers puissants et fondamentalement dominée par des grands groupes de presse sous l’égide de lobbys clairement identifiables. En conclusion, la démocratie française  est aux mains de ces lobbys. La seule élection à gagner est pour eux l’élection présidentielle. C’est d’ailleurs à ce moment précis que tous les intérêts convergent au détriment de l’intérêt général, que les efforts de propagande sont maximisés. De ce point de vue, l’élection d’Emmanuel Macron aura été l’exemple chimiquement pur de cette usurpation de la souveraineté du peuple.

 

  • Il est en tous points insensé de parler de démocratie sans rappeler ces évidences simples. Délirant d’évoquer la légitimité d’un homme sans exposer clairement les mécanismes anti-démocratiques qui ont permis son élection. Il est en outre indigne et malhonnête de ne pas voir à quel point les faiseurs d’opinions collectives sont indiscernables des lobbys qui les paient et auxquels ils sont soumis comme des pantins de foire. Dans ce moisi, renforcé par la bassesse spirituelle de ceux qui sont supposés éclairer, il est illusoire d’espérer voir sortir autre chose que de la colère, de la haine, de la violence. Ajoutez à cela des inégalités territoriales et économiques grandissantes, un effondrement de l’instruction républicaine, des chaînes d’information abrutissantes et débiles, un modèle de réussite sociale obscène, un consumérisme sans limite, des grappes humaines désocialisées, frustrées et lobotomisées par le spectacle du fric et vous commencez à sortir la tête de l’enfumage généralisé.

 

La suite ? Mad Max ou une véritable relève, un ressaisissement collectif  qui en passera par une véritable purge des processus de construction du pouvoir en France.

 

  • Etant donné qu’il est impossible de lutter économiquement contre les puissances de l’argent, il faudra que cela soit fait politiquement, c’est-à-dire en reformant le peuple comme puissance politique souveraine. En le travaillant au corps. Tout ce qui le démembre, le divise, le fracture, le met en scène devra être combattu sans relâche. Cela suppose une disposition à l’anarchie venue d’en haut, une impitoyable anarchie de l’esprit qui ne concède rien aux exigences de la pensée pas plus qu’aux exigences de la justice. Cette disposition est totalement contraire au relativisme ambiant entretenu très cyniquement par une caste de causeurs qui enfument pour durer. Il est évident qu’elle ne peut pas être une disposition générale mais un principe qui dirige la pensée. Nous avons besoin d’intellectuels anarchisants et de politiques républicains. Des intellectuels qui ne décrivent pas simplement le système de domination symbolique mais qui l’attaquent frontalement. Des politiques républicains qui préservent, du côté de l’institution, l’intérêt général et le bien commun.

 

Nous avons aujourd’hui des intellectuels de salon dans les médias et des politiques anti-républicains au pouvoir.

 

  • Il faudra donc inverser violemment la tendance. A défaut, l’arc de la défaite se consolidera : toujours plus d’extrêmes, toujours plus de médiocrité, toujours moins de République, toujours plus de violence, toujours plus d’extrêmes etc. etc. Tout cela suppose fondamentalement que nous reconsidérions notre rapport à la violence. Par affaiblissement des forces vitales, démocratisme mou, relativisme mondain, nous expulsons le négatif sous toutes ces formes. La faiblesse nous gagne, faiblesse de consommateur soumis et vaincus. C’est pour cette raison cardinale que nos démocraties dites « libérales » sont en train de s’effondrer. A terme, elles plieront contre des régimes de violence qu’elles ne pourront plus endiguer faute d’avoir réussi à faire de la violence pensée une force collective. On ne dirige pas un peuple en le couvrant de ballons roses avant de l’entuber, que cet entubage prenne le nom de démocratie, de libéralisme ou de liberté.

Sans violence la République n’aurait jamais triomphé de ses véritables ennemis.

 

Les nouveaux sauvages – 1er décembre 2018

Les nouveaux sauvages

1er décembre 2018

 

(Les nouveaux sauvages, film, 2014)

  • Le grand soir ? La grand réveil ? La Grande Belleza ? La grande révolution ? Le grand projet ? Non, le grand bordel. Intrusion du chaotique dans la planification aseptisée des automates de la croissance heureuse, des Playmobil de l’info collés à leur support plexiglas, des démocrates libéraux sur leur tabouret branlant, des économistes en cire, des zombo-adaptés, des dépressifs à la mode. Le grand bordel de l’homme qui déborde, qui gueule pour gueuler, car la vie veut la vie avant la mort et pas la dernière cafetière Nespresso. Misères de toutes les analyses, de toutes les réductions matérialistes, de toutes les synthèses pipolitiques, de toutes les récupérations. Potlatch mes amis !

 

  • Nous avons toutes les théories, toutes les analyses, toutes les leçons à tirer de l’histoire, rayonnages après rayonnages, à tous les formats et pour toutes les bourses. Le pouvoir d’achat ? Il en faut. Les loisirs ? Aussi. Du sexe ? A ta guise. De la qualité de vie ? C’est prévu. De la démocratie ? Nous sommes tous d’accord. De la mobilité ? Vas-y bouge de là. Mais vous n’expliquerez jamais le mal que nos sociétés techno-somnambuliques administrées par des hologrammes sont en train de faire à l’homme avec des breloques analytiques de ce type. Du cadre sup en rupture marche avec du prolo en gilet jaune, de l’étudiant excité vocifère avec de l’infirmière en colère, du prof scrupuleux avec du prof branlant et du pékin moyen avec du pékin encore plus moyen. Le bordel est comme la masse : irréductible.

 

Les modes d’administration déshumanisés sont en train de créer un homme chaotique, aussi instable que la nitroglycérine des westerns hollywoodiens.

 

  • Cet homme d’une modernité qui n’en finira plus de durer est capable de faire n’importe puisqu’on fait n’importe quoi de lui.  Filmez l’ensemble du tableau en direct à toutes heures du jour et de la nuit avec des petites caméras portatives et vous commencez à avoir une idée de la situation. Commentez en continu cette première prise d’images sur les écrans de la psycho-sphère nomade. Ajoutez enfin sur ce mélange explosif des politiques qui promettent pour seul horizon une amplification du délire que nous avons tous sous les yeux et vous y êtes presque. Comment voulez-vous sortir quelque chose de sensé de cette pâte folle ?

 

  • La seule chose à faire est de retarder au maximum l’inéluctable montée de l’extrémisation délirante de nos sociétés malades en faisant obstacle où l’on peut aux aveugles qui ne voient pas que nous avons très largement passé la limite acceptable. Qu’il est temps de freiner des quatre fers en envoyant par dessus bord tous les excités disruptifs, créatifs et innovants, cokés au rien et sous acides de vacuité, les Macron and co, tous ces accélérateurs de néant. Tout le reste en dépend.