La France ne sera jamais l’Amérique
« On ne veut bien que ce qu’on imagine richement, ce qu’on couvre de beautés projetées. »
G. Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté.
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- « Le gallo-ricain », le Macron de Régis Debray, ce pratico-théoricien embourgeoisé, ce révolutionnaire désabusé de la carafe et du verre d’eau, est en train de boire le bouillon. Et ce n’est que le début. On peut bien sûr s’asseoir sur l’histoire des peuples, sur l’étrangeté d’une culture, sur sa résistance. On peut monter sur une estrade en toc en levant les bras au ciel, faire le malin avec une bande de jeunes adaptés aussi transparents qu’un calque de collégien, appeler le président des Etats-Unis en clignant de l’œil devant des faiseurs d’images à genoux. On peut même avec tout ça et bien d’autres tours de foire gagner une élection présidentielle. Mais on ne peut pas transformer la France par caprice.
- C’est qu’il y a là-dedans des vieilles âmes, une gouaille qui n’est pas encore totalement vaincue par l’entreprise de démolition en cours, un esprit de révolte qui n’est pas entièrement soluble dans la mauvaise tisane des politologues des chaînes à abrutir. C’est cela aussi que j’ai vu sur les ronds points, au barrage de l’A 10, à Angoulême, à Poitier, sur le pont d’Aquitaine. On peut bien sûr se dire que ce n’est rien, que ces hommes et ces femmes ne sont que des beaufs sans culture générale sur le bas côté de la grande marche de l’Occident mondialisé. Que l’Allemagne a une autre discipline. On peut faire le malin sur les extrêmes, les rouges et les bruns, les fesses bien au chaud dans son appartement du 14eme. On peut même avec tout ça passer pour un philosophe ou un homme de lettres. Mais on ne peut pas soumettre la France par décrets.
- Nous avons une langue, des mots, des charrettes d’images pour labourer le vide qu’on nous offre quotidiennement à bouffer. Et nous allons labourer. La France a une consistance, une densité, une histoire. On peut bien sûr ne voir là que réaction stérile et poussière séchée. On peut préférer à ces vieilles lunes la disruption et le changement perpétuel. On peut même bousiller cet imaginaire au nom de la dénonciation du fantasme nationaliste et du sang versé dans les tranchées de Verdun. On peut faire parler les morts quand on ne sait plus parler soi-même. Mais on ne peut nier la France par cynisme.
- Le bouillon sera salé et il y en aura des litres. Les pires représentants de ma génération, flottante et stérile, nés dans le désert de l’histoire, vont chuter lourdement de l’estrade. Ce triste épisode n’aura été au fond qu’une parenthèse. L’homme qui se croyait nouveau, le kid de la modernité tardive, la baudruche du marché sans terre, va donner à la France l’occasion d’un réveil. C’est déjà le cas. N’attendez pas de ce premier sursaut des envolées lyriques sur les barricades de Paris. La cuite des quarante dernières années, l’âge du gallo-ricain de Debray, a laissé des traces sûrement irréversibles, une balafre profonde dans l’esprit d’un peuple. Nous avons cédé du terrain mais la France ne sera jamais l’Amérique. Le gallo-ricain va perdre bruyamment le second terme de la charrette dans le bouillon d’un peuple qu’il ne connaît pas.