Le bon bourgeois Plenel

Le bon bourgeois Plenel

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  • Edwy Plenel est un bon bourgeois, bien au chaud. Quand je l’ai croisé à Paris, en face du cinéma MK2 odéon, il avait un beau manteau et de belles chaussures. Comme beaucoup de ses collègues, Edwy Plenel s’estime, se pense important. C’est « quelqu’un » aurait dit ma grand-mère jurassienne et un peu anarchiste. Quand il écrit, quand il fait la leçon – les deux choses se confondent chez ceux qui ne doutent pas – Edwy Plenel, comme tous les bons bourgeois, nous enseigne l’ordre du monde. Dans ce monde, il y  a des musulmans, des misérables, des dominés et des dominants comme il y a des nuages dans le ciel et des bons restaurants à Paris. La stabilité de ce monde immuable est une garantie pour le bon bourgeois.

 

  • Le bon bourgeois peut être de gauche ou de droite, là n’est pas la question. Ce n’est pas à son vote qu’on le reconnaît. D’ailleurs il peut aussi voter au centre ou ne pas voter du tout car l’offre politique n’est pas toujours satisfaisante pour son fin palais. Le bon bourgeois est celui qui déteste par dessus tout être tourné en dérision. Sa citation préférée ? Spinoza, Ethique, partie III. Ayez le bon goût, avec Edwy Plenel, de vous démarquer de « ceux qui aiment mieux prendre en haine ou en dérision les affects et les actions des hommes que de les comprendre. » (1) C’est que le bon bourgeois, et la chose ne date pas de la semaine dernière, se proclame libéral philosophiquement à condition que cette liberté ne viennent pas chier sur ces belles bottes et sur son beau manteau.

 

  • Regardez-le admonester durement les puissants de ce monde tout en paraissant dans le monde. Admirez sa dureté face aux « intérêts économiquement dominants mais socialement minoritaires. » (2) Ecoutez le promouvoir la culture démocratique avec son beau manteau de bon bourgeois : « le libéralisme économique s’accomode souvent d’un libéralisme politique, valorisant la personnalisation, l’autoritarisme et le verticalisme du pouvoir au détriment d’une authentique culture démocratique qui suppose des contre-pouvoirs forts, écoutés et respectés. » (3) Comprenez bien que les contre-pouvoirs en question se prendront très au sérieux. Ils doivent être  « forts », « écoutés » et « respectés ». Qu’il parle de ses pauvres, de ses dominés ou de ses musulmans, le bon bourgeois tient son idéal mondain : force, écoute et respect.

 

  • Dans une démocratie, puisque le bon bourgeois Plenel tient par-dessus tout à ce mot, les contre-pouvoirs n’attendent pas l’autorisation des cuistres pour se faire entendre. Ils n’ont pas besoin de parler au nom des autres pour s’exprimer : « pour les musulmans », « pour les opprimés », « pour les dominés »… Ils cherchent au contraire à desserrer les étreintes des pouvoirs qui ont toujours intérêt à parler au nom des autres pour se faire valoir. Comme si le bon bourgeois Plenel ne cultivait pas la personnalisation, l’autoritarisme et le verticalisme. Quelle grosse bouffonnerie que voilà. Ce que ne supportent pas les bons bourgeois du siècle, de droite, de gauche, du centre si l’heure vous appelle, ce sont des usages de la liberté qui pourraient, par inadvertance, chier sur leurs bottes et leurs beaux manteaux de bons bourgeois. Le commerçant de Paris, le boutiquier du monde, ne vit pas de peu. La haine et la dérision, quelle faute de goût pour lui. Il n’y a que les malotrus, les mal éduqués pour ne pas maîtriser ces mauvais affects. Dans son univers, au bras de sa rombière, le bon bourgeois regarde le ciel étoilé du social au-dessus de sa tête.  – « Regarde chérie, l’étoile musulmane. Oh, quel beau ciel ce soir, tu ne trouves pas ? »

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(1) Ethique, Spinoza, partie III, cité par Edwy Plenel, Préface, Macron & Co, Enquête sur le nouveau président de la République.

(2) Edwy Plenel, op. cit.

(3) Toujours du même.

 

 

 

 

 

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