Coup de pelle

Coup de pelle

 

  • Comme pour s’excuser d’avoir réalisé son Amélie Poulain pour gueules cassées sous les hourras bravos des gens « du métier », Albert Dupontel revisite Nietzsche : « Tu sais, le mec qui a fait Bernie, il est mort, hein ! Si vieillir, c’est apprendre le sens de la nuance, comme disait Nietzsche, alors oui, je vieillis et c’est très bien comme ça. Je vais pas mettre des coups de pelle dans la tronche jusqu’à la retraite. » (1) Et pourquoi pas ? C’est un beau projet Dupontel de mettre des coups de pelle jusqu’à la retraite et au-delà. La nuance, c’est de comprendre qu’il y a toute une variété de coups de pelle mais pas de faire de la nuance l’antichambre de la niaiserie. C’est l’avantage de la maturité justement, l’apprentissage progressif de la gamme des coups de pelle. Le petit coup de pelle, en passant, discretos. L’aphorisme, dans le jargon des cultivés, peut venir brutalement sous la douche. Le coup de pelle touité, entre douche et café, un petit clic, dit coup de pelle de décrassage. Puis vient le coup de pelle d’agrément à la machine à café. Josiane en stress : « Y a pas de tête de classe sur laquelle on peut s’appuyer. » – « Appuie toi sur la table ». Entre temps, tu poses les bases littéraires d’un coup de pelle savant, dit aussi coup de pelle d’embuscade. Celui-là demande une préparation, un travail de lecture, un usinage spécifique de la lame pour couper court à toute velléité de réponse. Activité préparatoire qui peut tenir sur une page ou déboucher (beaucoup plus rarement)  sur le coup de pelleteuse distribué dans les bonnes librairies. Bref, cet échantillonnage non exhaustif nous prouve, si besoin, que coup de pelle et nuance ne sont pas incompatibles. Cela dit, on constate avec l’âge cette fâcheuse tendance à tuer sa jeunesse. « Le mec qui a fait Bernie, il est mort, hein ! » Ah bon, je pensais qu’il venait de réaliser Au-revoir là-haut !, film étouffant de positivités parvenues aux antipodes de la déglingue sans prétention de Bernie. Cette maturation de l’œuvre filmée prendrait-elle le nom de nuance ? Que vient faire Nietzsche dans ce ramollissement ? Bertrand Blier avait d’ailleurs fait une sortie similaire à propos de son livre Les valseuses, une connerie de jeunesse selon lui. C’est curieux mais j’aurais plutôt tendance à penser que la fameuse maturité, nous rapprochant de la mort et de la folie rapace qui vient avec, nous libérait des risques de l’empattement.

Tout à perdre, (maturité ?) nuance. Plus rien à perdre, (immaturité ?) coup de pelle.

 

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(1) Chauffe Albert, entretien pour Illimité, octobre 2017.

 

 

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