Mathieu Laine, l’hypermelon petit joueur
- La question à se poser en face de ce genre de discours est simpliste : combien de temps encore allons-nous accepter que de jeunes roquets encostardés fassent la loi en France ? Combien de temps allons-nous supporter un tel mélange de prétention, de morgue et de saletés politiques ? Saletés politiques ? En 2015, Mathieu Laine, ami intime du président Emmanuel Macron, rencontré en 2008 durant le passage du futur président de la République française à la banque Rothschild, lance la société Hypermind. Basée comme de juste à Londres, cette société fait suite à Altermind sans en trahir l’esprit (jargon anglo-saxon, encodage (1), algorithmisation, neurocratie et business, la combinaison parfaite des nouveaux parvenus sur la scène dévastée de la politique française). Cette société de gros melons (hypermelon, à prononcer « aillepeur meloune« ) est spécialisée dans les marchés prédictifs. Qu’est-ce que cela ? Un équivalent du marché boursier pour les questions politiques. Rappelons un principe simple et tristement réaliste de ce genre d’activité : faire un maximum de fric avec un minimum de morale. Ce principe étant entendu, vous pouvez parier sur la réussite ou l’échec d’un homme politique, le succès ou l’insuccès d’une action publique, l’apparition d’une crise économique ou l’imminence d’un conflit militaire. S’établit ainsi une côte qui correspond à un équilibre entre l’achat et la vente de prédiction – en toute indépendance des considérations de valeurs qui peuvent être attachées aux événements en question. La fameuse neutralité axiologique du marché des hyper melons.
- Vous me direz que tout cela est plutôt anodin. Après tout, parier sur un déséquilibre politique lié à l’imminence d’une série d’attentats ou sur la victoire de Bordeaux en Ligue 1, quelle différence ? Le matériel cognitif indifférencié (le MIC donc) promet de belles spéculations. Combien vaut, sur le marché spéculatif rance de Mathieu Laine et de ses petits copains hyper melonés, la fin de l’assurance chômage pour les tire-au-flanc, la privatisation intégrale du réseau routier français, le triomphe des MOUCs sur l’enseignement incarné, la suppression du SMIC dans l’intérêt des chômeurs, la fin des contrôles du prix pour les livres, la disparition des librairies indépendantes et la consommation exclusive de melons transgéniques ? L’humanité Betclic de Mathieu Laine et de la cohorte de ses suiveurs vous paraît peu stimulante ? Du petit gain en somme. J’ai mieux, un autre pari, nettement plus risqué. La grosse côte du marché prédictif. Affairé à un travail critique souterrain qui creuse chaque jour ses galeries sous les pieds plats de ses clowns connectés au vide qui les fait gonfler, je parie, avec quelques autres, sur l’effondrement de leur monde par désaffection massive.
- « Il faut se réapproprier la société de liberté ». Vois-tu, Mathieu Laine, ce genre de grosses sottises – souvent proportionnelles à la taille du melon qui les énonce – vont finir (voilà mon option sur le marché prédictif) par déclencher un rire tonitruant qui résonnera depuis le sous-sol jusqu’à décoller les feutrines de ces séminaires pour psychotiques. Une psychose incitative en quelque sorte. Un rire sympa, all inclusive, qui produira de tels affects politiques que les hyper melons seront à la politique ce que les marchands de peaux de lapins sont aujourd’hui au marché du travail. Evidemment, c’est une grosse côte. Sans parler du gain qui va avec. Mais ne mesure-t-on pas la grandeur et le courage d’une action à sa prise de risque ? N’est-il pas juste d’évaluer une entreprise à son capital risque justement ? Les petits paris (prévoir la disparition du SMIC ou la fin de l’assurance chômage) ne peuvent créer que de petits gains. Un amusement pour petits joueurs. Les hyper melons en somme, en pariant sur ce qui est déjà en cours, sont les conservateurs de l’ancien monde. Des rentiers. Ils aiment les petits profits et les rentes de situation. Ils ne jouent pas sur le marché à risque, là où se créent les plus gros gains. Ils finiront en coucourdes creuses, pleine de liberté, pleine de mort. Aux autres les graines sèches de la vie.
(1) « Il [Emmanuel Macron] a encodé, souligne son Mathieu Laine, président d’Altermind. Un mot qu’il utilise souvent pour dire qu’il en tire les leçons pour la suite. » L’Express, 10 mai 2017.