Quelle liberté ?

Quelle liberté ?

Nomadisme-postmoderne1[1]

  • Toute doctrine totalitaire part du principe que l’individu est l’ennemi, que la liberté est l’ennemi, que toute singularité doit être combattue. Dispositif coercitif couteux qui suppose, ultimement, l’usage de la force. L’énorme dépense d’énergie pour arriver à cette forme de domination libère en retour des forces de résistance. Le totalitarisme porte toujours les germes individuels de sa propre destruction. Il réveille l’autonomie des sujets et se condamne à disparaître.

 

  • Il est beaucoup plus efficace pour dominer durablement de tenir le discours de l’épanouissement individuel, de la liberté de choix, de favoriser la singularité en se donnant ensuite les moyens de les exploiter au mieux. L’autotalitarisme dans lequel nous sommes entrés exploite les ressources de la domination cognitive pour accomplir un ordre parfaitement contraire au réveil de l’autonomie des sujets. L’autotalitarisme valorise à outrance l’autonomie marchande en brandissant systématiquement la menace du totalitarisme historique afin d’enterrer l’autonomie politique des sujets. La menace joue à plein.

 

  • Les idéologues de la liberté, certains de bonne foi, formés à la culture classique idéaliste d’une philosophie de l’homme et de l’émancipation, font ainsi le jeu des pires aliénations mentales. En neutralisant toute critique qui ne tient pas le discours de l’émancipation et du progrès, ils soudent la liberté et le marché. Les philosophes en vue tiennent aujourd’hui le discours que le capitalisme cognitif veut entendre, celui d’un individu autonome qui agit toujours dans le sens de son intérêt rationnel. A charge pour les nouveaux maîtres de répondre rationnellement à cette demande.

 

  • Si l’on substitue aux théories de la liberté les pratiques de la liberté, on constate aussitôt l’irréalisme d’une anthropologie abstraite de la liberté inadaptée aux nouveaux pouvoirs coercitifs qui pèsent sur l’individu soi-disant libre et singulier. L’anthropologie des Lumières se fracasse aujourd’hui sur une anthropogenèse cognitive, une production de l’homme, qui utilise le discours de l’autonomie théorique pour mieux l’exploiter pratiquement. Dans ce contexte inédit, une critique historiquement conséquente ne peut que saboter les dispositifs de production de la liberté.

 

  • Dans une logique défensive, l’autotalitarisme fera resurgir le spectre du totalitarisme (dictature, fascisme etc.), mettra en avant les vieux concepts de l’émancipation (liberticide, autocratique etc.). L’histoire intellectuelle et politique de cette lutte inédite ne fait que s’ouvrir.

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