Gerbe démocratique

Gerbe démocratique

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  • La démocratie ? Ce mot, par redondance, finit par écœurer. Le pouvoir du peuple ? Mais où est le peuple ? Qui est-il ? La masse ? Les foules ? Les multiplicités ? Toi et moi ? A deux, ferons-nous peuple ? Les interminables litanies sur la démocratie qui vient, qui pousse, qui reflue, qui va mal, qui s’achève, qui repart, qui fume, qui pète et qui rote, sont d’un ennui mortel. Avec quel peuple veux-tu le pouvoir, toi, le démocrate? A quelle table risqueras-tu de te poser ?

 

  • Avec qui veux-tu la démocratie, cette belle démocratie et sa figure pathétique de politique tartiné de fond de teint les soirs de déballage électoral ? Préfères-tu le chant mielleux de l’engagé dans l’engagement engageant de la génération démocratique qui s’engage ?

 

  • La nausée ? La culpabilité me guette. Quel soumis n’a pas le mot à la bouche, démocratie, quel angoissé de l’image n’en fait pas son pensum, quel vaincu du cathodique n’a pas sa boîte à remèdes démocratiques ? Je ne suis pas démocrate ? L’impératif glace les sangs. Soit la « démocratie », soit le fascisme ? La belle alternative.

 

  • Nous les démocrates ! Et les revoilà, bouffis, revenus de toutes les bassesses, perchés sur le promontoire des siècles, à hululer le moindre des moindre maux. Haine de la démocratie ? Non, simple dégoût des redondances obscènes. Quant à la chose, elle m’échappe et pour longtemps. D’une question secondaire, nous avons fait une priorité. Le peuple n’est rien sans les individus qui le composent. Ce n’est pas le pouvoir que désirent les masses mais la soumission festive. Ce ne sont pas les tribunes qu’elles réclament mais le spectacle des plus mauvais tribuns. Pour quelle raison faire démocratie avec toute cette faiblesse ?

 

  • Quel homme l’incessant battage de la ritournelle démocratique est-il en train de dresser à la servitude ? Quelle forme nouvelle de renoncement sommes-nous en instance d’inventer au nom du peuple ? Le peuple ? Quel peuple ? Tu vois un peuple ? De qui est-il peuplé ton peuple ? A tes questions de démocrate, je répondrai à la seule condition que tu me présentes ton peuple. Rien de plus faux que le démocrate qui refuse de faire les présentations.

 

  • Montre moi donc ton peuple, que je lui serre la main. Non pas dans le vague, de loin, au milieu de ta brumeuse égalité. En face à face, ladre après ladre, quitte à y passer des siècles et les siècles des siècles. Une probité minimale nous oblige à traiter les problèmes dans l’ordre. Dans cet ordre, le peuple est toujours second. Que l’on s’interdise par démocratisme de penser l’éducation à la servilité démocratique, et l’homme, à la fin de l’histoire, se trouvera vaincu. Avant de tapisser ton boudoir, toi le démocrate, assure toi tout de même que les planches qui soutiennent ta chaire ne sont pas trop vermoulues. Je te vois déjà, en haut de l’affiche, me parler distinctement, une masse reprenant en écho : tu veux la dénivellation, tu veux l’inégalité, tu veux la hiérarchie !

 

  • Mais bien sûr que je veux la hiérarchie, mais tu la veux aussi, toi qui est en place pour fixer les limites de la bonne et de la mauvaise démocratie. Dans la mauvaise, des ladres que tu assignes à quelques empans de terre risqueraient de se lever pour bouter ton commerce et tes majuscules hors de ton royaume. Dans la bonne, te voilà protégé, à l’abri du voisin. Le bon peuple ? Chacun à bonne distance. C’est ça ton égalité, ta liberté, ta fraternité ? Mais ton ambition n’est peut-être pas d’élever les hommes, toi le démocrate, mais de les soumettre à ton nouvel impératif, à ce fétiche qui aux yeux du grand nombre fera de toi un juste, un ami, un sauveur. Mais à qui parles-tu, toi qui parle au peuple ? Ce n’est pas une parole que tu attends en retour, une affirmation que tu cherches, mais un acquiescement, un mouvement de la tête, une génuflexion. Aimez moi, je suis un démocrate ! Haïssez mes ennemis, ils veulent la hiérarchie et leur sanglante histoire est connue.

 

  • Mais le peuple ne saigne pas, ne pleure pas, ne crève jamais. Le peuple n’a jamais froid ou faim. Le peuple ne fait pas l’histoire. Le peuple, mon démocrate, c’est personne. Mais les masses se dressent : nous sommes le peuple, nous avons le pouvoir, nous sommes la démocratie ! Et ils applaudissent le démocrate et le démocrate les aplatit. Et ils louent le démocrate et le démocrate les rend égaux jusqu’à ce qu’ils disparaissent.

 

  • Démocratie, reprend le démocrate, et les vaincus se mettent à l’aimer. Il est notre maître légitime, chantent-ils, car ils nous a fait égaux. Mais dans le tas, un seul se tait. L’insulaire. Lui se passera de maître, refusera d’être démocratiquement dépossédé de son être. Nous manquons d’un peuple d’insulaires. Mais pourquoi les insulaires feraient-ils peuple ?

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