Défense de l’Etat français contre ses faussaires
Gaston Bachelard, un philosophe
- Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Ce qui se joue pour l’avenir de l’enseignement de la philosophie dans les jours à venir, à la pointe de la contestation des réformes Blanquer, est décisif pour l’avenir de cette discipline dans le secondaire. Mais derrière cette discipline, qui ne donne aucun privilège mais qui peut donner à l’esprit les moyens de les penser tous, ne nous trompons pas d’objet : c’est d’une conception de l’homme dont il est réellement question. C’est cela que nous allons chercher à faire valoir dans l’académie de Bordeaux ce matin en commission d’harmonisation. Harmoniser quoi d’ailleurs ? Des moyennes, des médianes, des petits bâtonnets ? Quand les professeurs trichent, inventent vaguement une moyenne pour se conformer, sans aucune conviction, aux attentes du ministère dans un mensonge éhonté, qui sont les faussaires ? Il a été demandé, sous couvert d’exemplarité, de ne pas délivrer des 20/20 cette année mais ce mensonge là, qui en parle ? Le mensonge qui consiste à créer une réussite sans réalité, des succès sans contenus, un saupoudrage culturel dans ce qu’il faudra désormais renommer le ministère de l’animation nationale. Que doit-on penser quand une inspectrice de lettre demande aux enseignants dans une formation d’être « férocement bienveillants » et d’être « sexy » pour faire « vivre un enseignement de spécialité menacé par la concurrence des autres spécialités » (et elle a raison sur ce point) quand une collègue de philosophie, sérieuse, nous explique en formation qu’il faudra faire des ateliers en fin d’année pour tenir les élèves qui abandonneront cette fameuse spécialité de rien du tout (et elle a raison aussi).
- C’est d’ailleurs ici que le sort de la philosophie est sans égal avec celui des autres disciplines. Pour preuve, il n’y a pas de « spécialité philosophie » dans la réforme Blanquer car cet enseignement est d’une autre nature. Bachelard a mille fois raison : « la philosophie ça sert à penser, alors si vous voulez vous priver de pensées originales, vous pouvez vous passer de philosophie ». (INA) Tout est dit, en deux phrases. A côté de cette vérité là, l’ignoble baratin communicant des hommes de paille du grand marché éducatif, cette pompe à merde et à fric, peuvent aller se faire foutre. Qu’ils nous marchent dessus honnêtement, martialement, avec la franchise au combat de celui qui veut notre mort. Voilà ce qui serait, au moins, honnête. Qu’ils arrêtent de nous vendre leur soupe infecte, leur démagogie de bazar, sexy, bienveillante, pour les élèves alors que les élèves et leurs fameux « intérêts » sont les premiers, et ils le savent en remplissant parcours sup chaque année, à être pris pour des imbéciles par un Etat de moins en moins soucieux de ce qu’ils vivent dans la cité. La preuve, il leur tire dessus.
- Soyons clairs : plus de République, plus de philosophie. Les deux se tiennent. L’une ne peut pas vivre sans l’autre. L’une mourra avec l’autre. Rien de corporatiste dans tout ceci, Bachelard était aussi et surtout un grand épistémologue, un homme probe, un esprit puissant pas une girouette « philosophe écrivain » adoubée par des lâches et des cuistres, par les faussaires qui font aujourd’hui, en France, le beau temps et le beau temps de cette culture inoffensive supposée éduquer. Ce que je dis là depuis la philosophie vaut bien sûr au-delà d’elle-même. En détruisant la logique des disciplines, c’est-à-dire la formation de l’esprit dans toutes ses dimensions, l’Etat prépare les conditions d’une citoyenneté au rabais et c’est justement cela que veulent les petits hommes de paille du grand marché sans tête, un citoyen unijambiste, cul de jatte, éborgné, aveugle, des moignons d’homme, des bouts de ficelle d’humanité. C’est contre cela que nous allons nous battre, certainement pas contre l’Etat (laissons cela aux crétineries libertaires à la Onfray ami des marchants de papier et aux libertaires anti-Etat en carton pâte qui n’ont toujours rien compris) mais depuis l’Etat, à l’intérieur de l’Etat, dans l’Etat républicain, pour la République.
- Alors oui mes amis, le propos est emphatique pour les nihilistes malins qui ne croient plus à rien et encore moins à eux-mêmes, pour les marchands de niaiseries pédagogiques sexy et bienveillantes, je vous l’accorde, il pose un ordre de valeur et une hiérarchie. Il est raide. Il désigne des adversaires idéologiques, il est essentiellement politique. C’est cela que je sentais encore confusément en 2017. C’est cela qu’il faut clarifier aujourd’hui. Ce mouvement de révolte des professeurs de philosophie n’est pas une défense de La philosophie (propos ridicule) mais une défense des conditions républicaines de la formation d’un homme qui pourra comprendre encore demain ce que le mot « politique » signifie et avec lui le mot « liberté ».
- Nous avons les raisons, ils ont les armes ; nous avons les idées, ils nous répondent avec un clin d’œil et des pets de bouche. Je suis fonctionnaire de l’Etat français, je suis chargé d’une mission éducative, une très vieille mission à laquelle le philosophe Platon (aujourd’hui placé à côté du pubard Beigbeder – ce salaud sartrien qui pose avec un livre de Baudrillard un an après la mort du sociologue critique dans une publicité pour les Galeries Lafayette – dans les manuels relativistes HLP) a consacré ses plus puissantes pensées. Aujourd’hui l’Etat français, dévoyé par des faussaires qui se servent de la force publique au lieu de la servir, est en train de nous rendre cette mission impossible, de conspirer contre lui-même. Mardi, certains professeurs de philosophie, seront grévistes pour une cause qui les dépasse tous. Que ceux qui pensent le contraire retourne à l’école. Nous nous y sommes.