Jean Baudrillard, notes sur la paresse
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« Cette paresse est d’essence rurale. Elle se fonde sur un sentiment de mérite et d’équilibre « naturels ». Il ne faut jamais en faire trop. C’est un principe de discrétion et de respect pour l’équivalence du travail et de la terre : le paysan donne, mais c’est à la terre, aux dieux, de donner le reste – l’essentiel. Principe de respect pour ce qui ne vient pas du travail et n’en viendra jamais.
Ce principe entraîne quelque inclination pour la fatalité. La paresse est une stratégie fatale, et la fatalité est une stratégie de la paresse. C’est d’elle que je tire une vision à la fois extrémiste et paresseuse du monde. Je ne vais pas en changer, quel que soit le cours des choses. Je déteste l’activité frémissante de mes concitoyens, l’initiative, la responsabilité sociale, l’ambition, la concurrence. Ce sont des valeurs exogènes, urbaines, performantes, prétentieuses. Ce sont des qualités industrielles.
La paresse, elle, est une énergie naturelle. »
Jean Baudrillard, Notes sur la paresse