LBD40, l’arme démocratique

LBD40, l’arme démocratique

Cadeau de Noël reçu rue Beaubadat, 29 décembre, Bordeaux. Pas d’emballage. 

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  • Ce bout de plastique, reçu dans le pied droit sans dommage vers 18h rue Beaubadat, sera donc la 17eme pièce du jeu de la présidence Macron. De semaines en semaines, nous avons pu voir, à Bordeaux en particulier, l’évolution des logiques de maintien de l’ordre ou logiques répressives selon que l’on se trouve derrière l’écran ou dans la rue. En milieu d’après-midi, une grenade assourdissante explosa à hauteur d’homme rue Sainte-Catherine au milieu d’une foule compacte et bigarrée. Aucune dégradation dans la rue mais une volonté évidente, en pleine journée, d’instaurer un climat de peur généralisée. Quelques minutes après, une voiture du samu cherchait à se frayer un passage pour atteindre le lieu de l’explosion. Les manifestants furent initialement repoussés, depuis la place de la Comédie, dans cette rue très commerçante du centre-ville.

 

  • Grenade assourdissante, gaz lacrymogène mais surtout flashball ou LBD40 dans le jargon technique. La logique est simple mais violemment efficace. Des groupes d’une quinzaine d’hommes équipés et rompus à l’exercice, après avoir lancé des gaz, tirent dans le tas et dans le dos des manifestants qui cherchent à fuir. Une course poursuite eut ainsi lieu, en fin d’après-midi, entre la Place Pey Berland et le cours de l’intendance dans des rues noires de monde. L’escouade partie de la place remonta dans des petites rues (rue du père Louis de Jabrun, rue des trois conils, rue Beaubadat, rue Poquelin-Molière, rue de Grassi) en tirant parfois dans une foule indifféremment composée de passants, de gilets jaunes,  d’enfants, de personnes âgées, de badauds stupéfaits. Tous se mettaient à courir au milieu du gaz ou cherchaient à se cacher dans des commerces.  Les escouades avancent rapidement tout en tirant avec cette arme dont l’usage semble s’être totalement banalisé en quelques semaines.

 

  • Il est évident que cette logique de peur n’a qu’une seule fonction : dissuader à terme toute forme de manifestation politique. Qui n’est pas conscient aujourd’hui qu’en allant manifester avec ou sans gilet jaune il risque d’être visé par cette arme ? Qui ignore les dégâts que cette arme peut occasionner quand la tête est prise pour cible ? Qui oubliera enfin les visages mutilés d’homme ou de femme qui ont eu la malchance de se trouver sur la trajectoire du projectile que j’ai actuellement dans la main sur la photographie ci-dessus ? Pour recevoir un tel projectile, contrairement à ce que pensent les normopathes conformes, vous n’aurez nul besoin de démonter du mobilier urbain ou de brûler des poubelles. Le simple fait de suivre des manifestants qui chantent peut vous valoir, au coin d’une rue, un tir de LBD40 dans la tête.

 

  • Pour ceux qui ne sont pas concernés par la question politique, les adaptés, les mieux lotis ou les amis de la liberté de pouvoir consommer tranquillement, la question de l’usage massif de cette nouvelle arme ne fait pas problème. Après tout, pour ne pas recevoir le projectile en question, il suffit de ne pas manifester, de ranger son gilet jaune et d’attendre les prochains débats sur les chaînes de l’euthanasie mentale. C’est donc à eux qu’il faudra s’adresser. L’indifférence à ces nouvelles stratégies de dissuasion vaut acceptation d’un nouvel usage de la police. Que cela soit dit et reconnu. Dans ces rues de Bordeaux, nous n’étions pas simplement des manifestants mais des coupables. Coupables d’occuper l’espace public pour autre chose que de la consommation somnambulique et souvent très inutile. Coupables de répondre par l’irrévérence à un système de promotion médiatique ayant construit de toute pièce un candidat sans expérience politique, intellectuellement bidon mais promu philosophe par la grâce des imbéciles. Coupables surtout de replacer la question politique au cœur de la cité.

 

  • Au milieu des gaz, en entendant les cliquetis des tirs de LBD40, le souffle du projectile, l’indifférence n’est plus de mise. Il va de soi qu’avec l’usage de cette arme, la généralisation des voltigeurs à moto et des escouades lancées dans des rues bondées, le terme bavure disparaîtra très vite du champ lexical. Après tout, la victime d’une bavure policière est-elle une vraie victime ? Que faisait-elle là au milieu de ces manifestants dont certains, les plus excités, brûlent des poubelles sur la voirie ? N’avait-elle pas mieux à faire ? Il est certain que nous assistons déjà à une forme de criminalisation de la contestation politique. Cette arme, à mi-chemin entre la matraque et le fusil d’assaut semble correspondre à l’état actuel de nos démocraties : très violente mais en même temps statistiquement non létale (1).

 

Que demande le peuple, voilà une arme démocratique.

 

  • Dissuader sans tuer, mutiler sans prendre le risque mortel d’un soulèvement définitivement incontrôlable, telle est l’option choisie. Demain, cette arme sera présente partout : des manifestations de lycéens aux mouvements étudiants, des contestations locales aux blocages ponctuels, tout un chacun pourra avoir droit à son tir de flashball dans le dos en toute impunité. Il est certain qu’un pouvoir politique qui augmente financièrement ses fonctionnaires de police par opportunisme en laissant croupir ses fonctionnaires de soins et d’éducation dans des conditions d’exercice parfois insupportables, qui n’a aucun sens de l’intérêt général et qui gaze aveuglément pour terroriser l’ensemble du corps social n’a pas droit au respect qu’il réclame et qu’il ne peut aujourd’hui obtenir qu’en usant de son arme démocratique contre les citoyens français.

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(1) Un jeune homme de 22 ans est actuellement aux urgences à Nantes dans état critique après avoir reçu un de ces projectiles derrière la tête.