Réponse aux lamentables sous-entendus sur l’irresponsabilité des professeurs face à la violence

Réponse aux lamentables sous-entendus sur l’irresponsabilité des professeurs face à la violence

 

  • Suite aux exactions policières contre des lycéens que la mise à disposition non censurée de l’information rend visible à tous, la propagande consiste désormais à accuser à demi mots (une moitié de trop) des fonctionnaires de l’Etat français. En réponse, que les choses soient claires et clairement exposées. Le métier de professeur, attaqué aujourd’hui comme d’autres corps intermédiaires de l’Etat, est en première ligne face aux violences sociales. En première ligne, de plus en plus isolé et cela depuis des années. Les professeurs sont bien souvent les derniers remparts, les ultimes digues face à la violence. Ils n’ont, à ce titre, aucune leçon de bonne conduite à recevoir de ceux qui en font commerce dans leur porno spectacle informatif ou qui comptent demain mater toute résistance politique en la brandissant comme une dernière menace.

 

  • Qui se doit d’encadrer et parfois d’apaiser l’angoisse des élèves lors des différentes alertes intrusions et autres dispositifs de prévention anti-terroriste ? Qui se doit d’entendre la colère d’un élève de terminale qui travaille à mi-temps chez Mac Donald’s pour obtenir un diplôme insuffisant sur un marché qui réclame de plus en plus de « compétences » non scolaires ? Qui était en première ligne pour porter les valeurs de la République, une et indivisible, en 2015, quand des intellectuels démagogues pourfendaient « l’esprit Charlie » ? Qui pour expliquer que la satire n’est pas une violence gratuite mais peut-être aussi une violence qui libère ? Qui pour recevoir les paroles déprimées de jeunes étudiants en colère qui ne voient pas d’avenir dans un monde en marche forcée vers le vide aux mains de parvenus surfaits ? Qui pour articuler la violence réelle et la violence symbolique afin de donner un peu de sens à l’action ? Qui pour se dresser face aux pires aliénations du marché dont les conséquences ne sont visibles que sous la forme de feux de poubelles une fois l’an ? Qui pour construire un discours structuré, articuler passion et raison, révolte et responsabilité ? Qui pour faire demain ce travail essentiel sans lequel il ne restera plus à terme qu’une pure violence à mater par un surcroît de violence ?

Supposer que des professeurs puissent ne pas être responsables des élèves dont ils ont la charge est une saloperie de plus dans le cortège déjà très long des trahisons républicaines.

 

  • Dois-je rappeler que les professeurs ne sont pas des directeurs de conscience. Ils n’ont pas, c’est le sens de leur mission, à embrigader les esprits, à énoncer le Bien ou le Mal. Cette conception de l’éducation correspond peut-être aux attentes d’un régime liberticide certainement pas à celles d’une République ayant pour ambition de former des esprits souverains. Eduquer, n’est pas dresser ; instruire, n’est pas endoctriner. Deux saines exigences en ces temps troubles qui pourraient servir de repères à tous.

 

  • Les professeurs sont souvent pris entre deux formes de violence. L’une qui consiste à leur faire jouer des rôles qu’ils ne peuvent pas tenir. Ces rôles sont d’ailleurs souvent le résultat des démissions d’autres services de l’Etat. L’autre qui consiste, face à cette violence du social qu’ils connaissent parfaitement, à établir un lien de confiance sans lequel toute instruction serait impossible. Imaginer qu’ils puissent être les acteurs de ce contre quoi ils se battent au quotidien, relève d’une stratégie de pouvoir aujourd’hui rouée : rendre les services de l’Etat français responsables de leurs propres déroutes afin d’affranchir les politiques de toutes responsabilités.

 

  • Derrière cette stratégie, une autre, encore plus perverse que la première : entretenir la défiance à l’égard des corps intermédiaires de l’Etat, créer une suspicion utile en période de liquidation républicaine. Il existerait, au sein des agents de l’Etat, des forces contraires à l’intérêt général ? C’est ainsi que commencent les purges, insidieusement, les mises au pas qui éliminent progressivement la responsabilité des hommes au détriment des ordres d’un pouvoir qui n’a plus de compte à rendre au peuple qu’il gouverne en faisant de la violence l’ultime alibi de son salut.