HLP, chronique d’une mort annoncée de la philosophie
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« A Bordeaux, on adore philosopher autour d’un cognac.
On aime s’entourer de bons bouquins porteurs d’histoire, de réflexion et d’évasion. je voulais créer un lieu très personnel pour un couple qui a besoin de se déconnecter du rythme effréné de la vie soumise aux médias envahissants. Offrir une espace dédié aux valeurs fortes et pérennes comme la culture et la qualité, un endroit intemporel porteur des témoins de leur histoire et de leur style de vie. »
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(jour de grève)
Jeff Koons, “Play-Doh” (1994–2014)
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Le questionnaire proposé est un questionnaire type, aucunement spécifique au programme de la discipline sur laquelle on se prononce. Programme d’arts plastiques, de biochimie et de philosophie, même combat.
La première rubrique (« APPROCHE GÉNÉRALE DU PROJET DE PROGRAMME ») invite très sérieusement le sondé, qui finalement l’aura tout de même bien dans le fondement, à juger de la qualité de la rédaction du programme. Il est vrai que le professeur a l’habitude de donner des points pour la présentation et la maîtrise de la langue française.
La rubrique, mal nommée, « LES CONTENUS D’ENSEIGNEMENT DU PROJET DE PROGRAMME » n’interroge sur rien d’autre que des propriétés formelles du programme : sa participation à l’orientation — on oublie trop souvent si Platon permet de se décider en conscience entre le DUT GACO et le BTS MUC —, la formation civique des élèves — Platon n’est-il pas en contradiction avec la retape que doit faire le professeur pour la défense de la démocratie libérale ? — la place du numérique — Platon permet-il de savoir protéger ses données sur Facebook ? —, etc. On interroge sur la pratique de l’oral mais pas sur celle de l’écrit, évidemment : quel dinosaure écrira encore dans les temps à venir ? Il n’y aura plus rien à écrire, faute de pensée et d’imagination.
La dernière rubrique (« LA MISE EN ŒUVRE DU PROJET DE PROGRAMME DANS LA CLASSE ») propose de méditer, pêle-mêle, sur l’évaluation, les horaires, la possible nécessité de formations pour le professeur (car son savoir n’est rien face à la parole de l’institution qui rassure et permet enfin de savoir quoi dire à ses élèves), etc.
Dans cette profusion de questions, on notera l’absence d’une interrogation, et de taille : le contenu de ces programmes est-il pertinent ? Personne ne devrait s’en étonner car il n’est plus l’heure de se demander ce qu’il faut enseigner, mais plutôt si cela développe la confiance en soi, si cela participe à la constitution de la personnalité de chacun, si cela met l’élève en activité grâce aux gadgets techno-ludiques.
Ce que l’on doit enseigner, il faut le taire. »
Matthieu Bouchet, professeur de philosophie.
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