Résistance critique
- 1er : Une critique n’ a pas à rendre raison du lieu qu’elle occupe. Elle sera jugée et éprouvée par ceux qui la reçoivent. La course au fondement n’est qu’un leurre qui inhibe la résistance critique.
- 2eme : La résistance s’éprouve. Ce n’est pas simplement un objet de pensée. Cette épreuve est d’ordre pratique. Un discours qui se retrouve partout, fût-il estampillé « critique » ne résiste à rien. Il est une des formes pratiques de l’opinion ambiante.
- 3eme : La résistance critique ne ressort exclusivement ni de la science, ni de la philosophie, ni de la morale, ni du droit, ni de la littérature, ni de l’art. Elle est informe.
- 4eme : Elle n’a pas pour objets des dispositifs de pouvoir. Depuis deux décennies, fleurissent les discours sur le pouvoir. La résistance critique rend quelque chose au pouvoir. Elle n’a rien à lui prendre.
- 5eme : Le drame de notre temps est que nous ne pouvons plus rendre, nous ne pouvons plus tendre un miroir. Nous ne pouvons plus piéger l’offre. Nous n’arrivons pas à faire le vide, à résister à la saturation autrement qu’en la redoublant.
- 6eme : La résistance critique n’oppose pas des valeurs contraires. Elle n’oppose rien à rien, elle lance un défi auquel il ne peut être répondu que par un défi plus grand. Elle est une forme de divergence inéluctable et ne respecte rien a priori.
- 7 eme : La critique ne s’exerce pas contre l’illusion, l’obscurité ou l’erreur. Elle ne décode rien. Elle ne peut que résister au délire, à l’exorbitant, à l’extrémisation de toutes les potentialités de l’homme.
- 8eme : La réalisation de toutes les idées qui fonctionnaient jadis comme critiques de la réalité (le progrès, l’égalité, les droits, l’émancipation, la liberté etc.) s’achève. C’est à cette réalisation qu’il faut résister. Ce qui transforme radicalement le concept de critique. Non plus dépassement (tout est dépassé) mais résistance à la réalisation, sabotage.
- 9eme : Sabotage qui ne s’inscrit plus dans l’horizon du progrès de la réalisation. A terme, tout devient indifférent. La résistance n’a plus d’objet et rentre en phase critique. Que reste-t-il ? Une critique sans espoir dans une forme affirmative. Une résistance heureuse par sa forme, sans illusion sur le fond.
- 10 eme : Qui n’est pas critique ? Personne. La difficulté est ailleurs. Trouver une forme de résistance qui s’excentre. Aucune solution, aucun salut à attendre de la critique. Rien. A la fin, il ne doit rien rester. Nous aurons tout rendu. Le nihilisme de notre temps nous empêche de faire le vide. C’est certainement à cela qu’il faut résister pour connaître encore la joie.
- 11 eme : Jusqu’à présent le monde s’est transformé tout seul ; ce qu’il faut maintenant, c’est le défier en lui résistant.