Le Gorafi ou comment rentabiliser l’insignifiance
- Avec ses 700000 abonnés en ligne, le Gorafi est un poids lourd du vide. Alors que la moralisation de la vie politique avance à grands renforts de slogans, il est de première nécessité d’imposer dans les esprits la promotion massive de toutes les falsifications spectaculaires. Le Gorafi contribue à l’épandage subventionné de messages post-logiques insignifiants et par principe immunisés contre la critique. Perché. A perchépolis justement, le langage ne permet plus de nommer ce qui est mais d’inhiber toute forme de discours signifiant. Invités sur France Inter, les rédacteurs du Gorafi font partie de ce que Guy Debord appelait la critique intégrée. Double intérêt : divertir les masses et inhiber leurs résidus par un surcroît de bouillie. Parmi les hauts faits d’insubordination, à propos de Christophe Barbier, perruche libérale et tuteur du bon peuple, le Gorafi fait ainsi état de la démission de son écharpe. L’intéressé aurait répondu « avec humour ». Nous voilà rassurés, Barbier n’est pas rasant. Tout est en place, tout sauf Cuba, roulez Mickey.
- La post-logique n’a que faire de toutes ses raisons, n’a que faire des analyses critiques. Pour elle, politique et morale ne sont que des prétextes utiles pour recouvrir ses nouvelles formes de falsification idéologique. Idéologique au sens d’un renversement complet du vrai et du faux afin d’imposer un indiscutable état de fait. La post-logique, si elle détruit les capacités de raisonnement en imposant un ordre soustrait à toute réflexion, n’est pourtant pas dénuée de visées économiques : la promotion du dérisoire est rentable. la preuve, les éditions Flammarion sont de sortie. Le Gorafi fait partie de ces organes de médiatisations perchés, acritiques, inodores, incolores et sympas, aux mains du nouvel homo comicus (1). Repris, cité, retweeté, recopié massivement, il normalise l’insignifiance. Aucun complot là-dedans. Une simple convergence entre l’imaginaire des sujets et la volonté des dirigeants. Harmonie préétablie entre la post-logique et le post-politique, le Gorafi est un symptôme de notre temps. Sous couvert d’humour décalé, une acceptation bon ton s’affiche. Inutile de renvoyer cette entreprise de démolition au néant qui l’a vu naître, il suffit simplement de former des esprits immunisés contre l’insignifiance.
……..
François L’Yvonnet, Homo comicus ou l’intégrisme de la rigolade, Paris, Mille et une nuits, 2012.