Bonne nuit les petits

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C’est écrit en petit, je le remets ici :

« Comment la réflexion philosophique peut-elle nourrir le politique ? Pour Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, ses analyses et réflexions éclairent le réel et donnent un sens à l’action. Un apport  qui paraît d’autant plus nécessaire aujourd’hui que le vide idéologique des partis est manifeste. »

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  • A la fin de l’histoire, nous n’aurons plus que des petites bandes dessinées. Incapables de voir le langage, quasi analphabètes, nous serons inaptes à la pensée critique. Nous consommerons ces produits du marché dans un somnambulisme intellectuel abouti. Désœuvrés, sautant d’une bulle à l’autre, nous subirons un pouvoir « politique » qui fera de cette désolation mentale son fonds de commerce. Nous n’aurons plus les mots, sans parler de la force, pour pointer cette nullité, ce vide qui prétend conjurer le vide en le redoublant.

 

  • Emmanuel Macron est devenu « philosophe » à partir d’un article du Un daté du 8 juillet 2015 – j’explique en détail ce point dans le Néant et le politique (1). Ce même Un poursuit son travail d’anéantissement intellectuel aujourd’hui en publiant une sorte de recueil, étonnamment intitulé Repères quand il s’agit de les abolir tous. La falsification n’est pas à un travestissement près.

2000-deins-pour-comprendre-le-monde[1]

  • Les photographies ci-dessus en sont extraites. Le titre « de la philosophie en politique » renvoie directement au titre de l’article qui propulsa en 2015 Macron dans les nuées. Il va de soi que ce journal hebdomadaire, « un journal pour ralentir et pour réfléchir », est en accord avec les goûts de lecture d’un nouveau public. En 2015, Macron était construit, de toutes pièces, à grands coups de levure artificielle. Macron philosophe, Macron brillant, Macron génie, Macron vous dit tout de ses talents. L’élection passée, les enjeux politiques rendus à leur dérisoire, il est temps de faire jouer la pluralité et de donner à d’autres droit au chapitre : « Mélenchon dit tout ». Comme s’il n’avait pas déjà tout dit, sur un support ou sur un autre. Peu importe, le conte pour enfant doit maintenir les citoyens-consommateurs dans un continuum infra-logique qui désarme intellectuellement autant qu’il fait vendre. Bien sûr, personne sur la place n’a intérêt à pointer cela. La raison est simplement économique. Les journalistes qui font l’opinion et le pluralisme libéral démocratique ne vont tout de même pas se tirer les uns sur les autres. Ils se ménagent et font des ménages. Cette logique implacable est incompatible structurellement avec l’activité critique. Et ce n’est pas en créant un nouveau média de masse que cette situation changera car tout se joue dans une somme de détails, de glissements, de fines falsifications, dérisoires à l’unité, aux conséquences désastreuses dans l’ensemble.

 

  • Je ne pourrais pas faire ce travail si j’étais journaliste. Je ne pourrais pas déplier cette logique sans disparaître à mon tour. Si je le fais, en plus de mon travail, au prix de quelques sacrifices, c’est que j’estime, avec d’autres, qu’il est de mon devoir de le faire. Non pas pour répondre à je ne sais quel impératif catégorique mais pour rester cohérent avec moi-même. Je ne peux pas enseigner la philosophie à des classes terminales dans l’institution et ne pas lutter, hors de l’institution, contre des logiques qui, à terme, me feront disparaître. Que certains « philosophes, écrivains » se gargarisent de liberté et de démocratie pour sauver leur conscience et leur salaire n’est pas mon affaire. Je ne fais ici, avis aux amnésiques, que poursuivre avec d’autres moyens un travail critique qui s’efface progressivement du paysage intellectuel français. Très loin d’être le résultat d’un complot ourdi par des puissances occultes, cet état de fait est le résultat d’une démission face à la puissance du marché. Un lecteur récemment me comparait à Don Quichotte. Comparaison certainement rassurante quand on ne parvient plus à distinguer les moulins à vent des chevaliers.

 

  • Mais n’en déplaise aux soumis du marché, il existe bien un lectorat caché, souterrain, des esprits qui comprennent parfaitement la nature des enjeux et les grosses ficelles de la démocratie libéralo-marchande. Ces honnêtes femmes, ces honnêtes hommes ne sont pas payés pour enfumer l’auditoire. Ils ont un travail décent, un intérêt pour le bien commun et un esprit suffisamment résistant pour s’opposer encore.  Il est, toujours pour le marché, de première nécessité de les qualifier « d’extrêmes » ou de « rétrogrades », rhétorique imbécile qui ne fera pas illusion très longtemps. Nous n’avons pas besoin « d’une nouvelle expérience de presse » ou d’un « nouveau média » mais d’individus qui ont le courage de faire passer la probité avant la triste logique de l’argent.

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UN JOURNAL POUR RALENTIR ET RÉFLÉCHIR

L’univers des médias connaît une révolution fulgurante.

L’information coule à flux continu, dans un trop-plein désordonné qui brouille le sens des événements et les prive de perspective.

Face à ce déferlement, le 1 propose une nouvelle expérience de presse.

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(1) Le Néant et le politique, Paris, L’Echappée, « Le simulacre philosophique », p. 34.