Le simulacre est vrai

Le simulacre est vrai

 

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  • « En passant d’un fétichisme de l’objet à un fétichisme du signe, nous peinons encore à mesurer les conséquences du fétichisme du signifiant, cette « prise du sujet dans ce qui, de l’objet, est « factice », différentiel, codé, systématisé. »(1) Prise du sujet comme passion du code, désir pervers, détourné de l’objet et du désir de le retrouver. La pseudo-critique devient la solution idéologique. Qui est encore dupe du système ? Personne. Mais là n’est pas la question. L’essentiel est que les non-dupes, sidérés par le vide qui les absorbe, expriment leurs réserves dans les termes d’un code qui ne sera jamais remis en question. Une façon de dire qui conforte ce qui est déjà partout. »

 

  • (1) Jean Baudrillard, Pour une critique de l’économie politique du signe.

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Extrait – Le Néant et le politique, Critique de l’avènement Macron, Paris, L’Echappée, octobre 2017

COUV – Le néant et le politique

A vau-l’eau

A vau-l’eau

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  • « J’ai lu A vau-l’eau le soir même du jour où je l’ai reçu (1) […] C’est une étude bien curieuse et bien intense (2). Je regrette peut-être un peu qu’il y ait là une répétition de certaines pages d‘En ménage, élargie il est vrai (3). Seulement, l’unité, je dirai même le parti pris du sujet (4), lui donne une acuité (5) toute particulière. Cela est d’une abominable cruauté dans la mélancolie (6). Et que de jolis coins (7) : les rochers mangeant, la table d’hôte, le restaurant discret de la Croix-Rouge ; sans parler de l’accouplement désespéré de la fin, qui est d’un effet énorme (8). »

Emile Zola, 17 janvier 1882.

Extraits de J.-K. Huysmans, Lettres inédites à Emile Zola, Droz, 1953.

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(1) Cet aveu, difficilement compréhensible aujourd’hui, doit être remis dans le contexte d’une époque. Le lecteur contemporain s’étonnera : mais avant de recevoir le livre, n’avait-il donc rien à faire ? Un épisode de Game of Thrones à regarder, une chronique à animer le lendemain matin, une invitation dans un talk show littéraire ? Lire un livre reçu le soir même n’était pas une chose incongrue à la fin du XIXe siècle pour un auteur à succès.

(2) L’intensité désigne ici la qualité d’un texte, sa valeur. Cette valeur, en 1882, n’était pas quantifiée au nombre d’occurrences des mots » bites », « chattes » et « inceste ». Elle n’était pas non plus évaluée au nombre de clics sur Amazon.

(3) Il était possible, à la fin du XIXe siècle, de comparer un livre à un autre. Cette pratique permettait d’affiner le jugement et de saisir les nuances d’un style. Une forme différentielle. L’apparition du buzz littéraire a rendu cette approche textuelle désuète.

(4) Exemple de tâtonnement sémantique. Incompatible avec les urgences de la communication, le tâtonnement sémantique a disparu de la forme journalistique avant de disparaître tout court. Sur reverso, en tapant français-français nous obtenons : un très bon sujet.

(5) Acuité, ancien français littéraire. Aujourd’hui : bien vu.

(6) Abominable cruauté dans la mélancolie. Sentiment qui n’existe plus sous cette forme de nos jours. Le prise en charge thérapeutique des états dépressifs offre au patient bien suivi de quoi en faire l’économie. Etat ancien de la médecine.

(7) Coin, ancien français littéraire. Aujourd’hui : endroit cool (campagne) ou hype (ville).

(8) Curieux emploi de la formule « effet énorme » appliquée au texte de Huysmans : « Ne t’occupe pas de moi… dit-elle, ne t’occupe pas de moi… fais ton affaire » (A vau-l’eau). Effet énorme pour un accouplement désespéré suppose, au XXIe siècle, la description d’une sodomie subie. Ce décalage date un peu le texte.