Message d’encouragement officiel à la presse nationale pour la sortie du livre Le néant et le politique

Message d’encouragement officiel à la presse nationale pour la sortie du livre Le néant et le politique

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« Quand j’entends les uns ou les autres dire que c’est de la communication ou du théâtre, oui gros ballot, toi aussi ta vie c’est ça. »

Emmanuel Macron, « En marche vers l’Elysée », Envoyé spécial, France 2, mai 2017.

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Chers amis de la plume et faiseurs de clowns,

  • Je viens là en ami pour vous dire à quel point j’ai confiance dans la qualité de votre jugement. Ne pensez surtout pas que j’ignore les contraintes qui vous attachent, bien malgré vous, aux puissances occultes de potentats cachés dans les ténèbres épaisses et angoissantes de l’argent roi. Sachez que, moi aussi, l’esprit enchâssé dans une administration de tutelle, je n’ai pas tout loisir d’exercer la critique avec autant de force et de passion que je le voudrais. Une obligation administrative ici, un tas de copies par là m’attachent plus sûrement que des chaînes aux lois d’airain d’une activité médiane, socialement acceptable. Vos copies à vous ont pour nom marronniers. Sujets mille fois rebattus, propositions iconoclastes de série, portraits recuis et bouillons inédits chroniques d’où sortent parfois les fameux serpents de mer de la laïcité, de la croissance et du panier rentrée. Sans parler du cent quatre vingt troisième bouquin de Michel Onfray, du notable Nothomb de l’automne ou de la dernière commande présidentielle.

 

  • Evidemment, Bernat c’est autre chose. Un autre délire disent les jeunes lettrés. C’est un peu la copie bizarre du tas qu’on a peine à noter un jour de commission fin juin. Après le tour de table – et j’en ai connu – la note se ballade, le cul à l’air, de 4 à 17. Oui, vous avez bien lu, de 4 à 17 ! Tour de table : – on leur met du Bernat ? Peut-être, pas sûr, faut voir. Mais c’est comment ? C’est bon, c’est mauvais ? On sait pas… on sait pas… Dans ces cas-là, chers amis de la plume, j’ai tendance à me dire que le trouble causé par l’étonnante copie n’est pas sans vérité. Pour quelle raison l’équerre du jugement se trouverait-elle ainsi faussée ? Par quelle divine malice le fil à couper le beurre se casse au contact de la motte  ? Qu’y a-t-il de démoniaque dans cette ponte bachelière pour susciter jusqu’à treize points d’écart dans la docte évaluation de ce parterre éclairé ? Evidemment, cela suppose le saut dans l’inconnu. Accepter de laisser place au difforme, à l’inchoatif, à mi chemin entre la guignolade sous acide et les sphères logiques du wittgensteinien. Au milieu se tient le texte, la chose écrite. Singulière, on peut aussi le dire comme cela, en y mettant les gants.

 

  • On se plaint, nous nous plaignons, chers amis de la plume, de voir venir un monde hideux, compoté au management aussi violent que débile, à la vacuité power point, aux logiciels du vide. Un monde, qui pour le dire dans les termes exacts de la plus crasse soumission aux usages du temps, de Free à L’Elysée, à « l’ADN » du Néant. On se plaint, nous nous plaignons, chers amis de la plume, d’un conformisme générationnel inédit qui relègue dans les limbes Pasolini, Ferré et Bukowski – pour n’en sortir que trois du chapeau magique. Alors cessons de geindre un instant et lisons à haute voix cette copie difforme qui met en échec les certitudes du tour de table. Personne ne peut prétendre être meilleur que les autres dans cette lutte de l’esprit contre le glissement de terrain qui nous entraine loin, très loin des muses qui faisaient parler Socrate.

 

  • Bernat, c’est autre chose. Mais pas seulement lui. Ne confondez pas la miette et le collectif. Toute une kyrielle d’hoplites qui refusent de se soumettre à la médiocrité promise par les « philosophes en politique », économistes, banquiers, putes et stratèges aujourd’hui au pouvoir. Une kyrielle de sans nom qui par leur esprit, leur dérision, leur talent, leur échec aussi, composent une étonnante mosaïque, la part maudite du politique. La philosophie a commencé en Grèce par une décision, celle de Socrate, une décision politique couteuse pour l’intéressé : ne joue pas à être ce que tu n’es pas. Il se trouve que la période se tient aux antipodes de cette devise. Chers amis de la plume, faiseurs de clowns et « gros ballots », jugez, jugez encore, mais n’oubliez pas de le faire en pesant la valeur de votre fil à couper le beurre. Après quoi, 4 ou 17 peu m’importe, pourvu que la note soit rendue publique. La vie de la Cité l’exige.

Avec toute ma confiance,

COUV – Le néant et le politique