Vote au-dessus d’un nid de coucous

Vote au-dessus d’un nid de coucous

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  • Fillon, le néoconservateur à la sauce française, ancien premier ministre de Sarkozy, plébiscité, contre Sarkozy, au nom du renouvellement du « personnel politique ». Juppé et sa ligne néolibérale dure, associé par le chaos internétique aux frères musulmans et à Prisunic, qui fait se lever l’électorat de gauche. Sarkozy enfin qui provoque, en direct live, l’émotion des chroniqueurs météorologistes de BFMtv : « Nous avons écouté religieusement Sarkozy (…) Pas de doute, il sait trousser les discours de défaite ». Une seule question reste en suspend : pouvons-nous nous élever analytiquement à un tel niveau de déficience mentale ? N’oublions pas Macron qui passe bien, produit médiatique rajeuni mais recuis, la dynastie Le Pen, anti-système dans le système contre le système avec le système, sans oublier Najat-Vallaud Belkacem – pour faire une gueule à ce qui reste du jack-mitterrandisme en état de coma festif dépassé – qui barbouille les slogans de l’école qui vient sur des tablettes numériques au salon de l’éduc’solidaire et citoyenne. Reste Mélenchon qui a au moins pour lui le mérite d’appeler Vinci, Apple et Bouygues par leur nom.
  • Le spectacle des primaires, voulu et orchestré par des médias cathodiques aux ordres de ceux qui paient les organes de la représentation de masse pour la tranquillité de leur commerce naturellement mondialisé, aura réussi à transformer l’affrontement politique en une bouffonnerie marketing. Tout cela au nom du succès populaire et d’une soif intarissable de démocratie. « La primaire de la droite et du centre », ce mantra idiot ânonné depuis des semaines sur toutes les ondes, va laisser place aux primaires de la gauche (et du centre?). Choisissez votre champion. Avant le grand cirque final, l’apparition du monstre à cent têtes, l’Adversaire ultime, le boss de fin des jeux vidéos : Marine le Pen.
  • Qu’avons-nous en guise « d’élargissement », « d’approfondissement » de la démocratie ? Une extension tératologique d’une saturation prétendument politique, un show qui commence à mi mandat. Les contenus politiques – qui les regarde dans le détail ? –  sont à peu près indifférents. A tel point que Fillion passe aujourd’hui pour une alternative à Sarkozy ou que Juppé fait figure, vingt ans après les affrontements sociaux de 95,  de centriste sympathique et modéré. Le burkini, Prisunic et l’identité heureuse, malheureuse ou arc-en-ciel sont autrement plus faciles à cliquer. La soi-disant « soif de démocratie » (le somnambulisme intellectuel se ressource) est entièrement vampirisée par les flux abrutissants des réseaux anti-sociaux et anti-politiques. Smartphones aux poings, nous entrons gaiement dans un processus de destruction de la logique – Donald Trump, Hillary Clinton, les Etats-Unis, une fois n’est pas coutume, ayant fini d’ouvrir la voie. Dans un tel contexte, l’idée même de souveraineté populaire n’a plus aucun sens car le sujet politique s’évapore. Si l’on peut s’entendre sur une définition a minima de la politique comme l’institution lucide de la société, l’institution techno-buzzive de la société est en marche. Je vous laisse deviner ce qu’il reste là-dedans de politique.
  • Saturés de stimulations obscènes, nous barbotons dans un univers mental qui n’a rien à envier aux défuntes idéologies totalitaires en matière d’aliénation. Le totalitarisme ne souffre pas la contradiction tout en créant une sémantique et une syntaxe qui empêchent aux hommes de se penser, de se situer. Mais il y a plus efficace en matière de domestication et de dressage du parc humain qu’une idéologie unifiée qui repose sur des bases intangibles. La création d’un chaos mental traversé de flux contradictoires, de stimulations inchoatives, retire aux hommes jusqu’à la capacité de se former un jugement, c’est-à-dire une comparaison entre ce qu’ils pensent et ce qui se tient face à eux, entre un dedans et un dehors. Il y a peu, à peine mon cours sur l’anthropologie de Hobbes achevé, un élève, dégainant son IPhone (la marque de l’excellence), me met sous le nez la photographie porno de la femme du président des Etats-Unis à peine élu. « Monsieur, Joey Star a retweeté ça ». Je n’ai pas là sous les yeux une opinion, un stupide préjugé qu’il est toujours possible de critiquer, encore moins un admirateur de Horst Wessel qui aurait emprunté sous le manteau une traduction de Leben und Sterben. Non, ce matin le flux a charrié le cul de la femme de Donald Trump, entre le Burkini et le jambon frites laïque. C’est un état de fait qui traverse l’esprit de ce jeune bachelier non pas une représentation erronée du monde. En face de moi, je n’ai pas un objecteur de conscience, un idéologue, un sujet libre de se situer face au discours qu’il vient d’entendre mais un drogué, un malade incapable de se situer. Le mélange est total : philo, Trump, cul, flux, virtuel, professeur, porno. Statiquement, les malades sont aujourd’hui majoritaires.
  • Mesurer le politique au nombre de clics, de tweets et de followers – Donald Trump, l’avant-gardiste, se vente d’en avoir des dizaines de millions – c’est promouvoir le pathologique en norme de la vie commune. Déambulez quelques minutes dans un magasin Apple, tendez l’oreille, notez, enregistrez. Observez les hommes. Oubliez les choses plastifiées reliées aux tables minimalistes par des cordons de sureté. Observez-les biens. Faites, comme j’ai pu le faire, une petite expérience mentale. Il ne vous en coutera pas un centime. Déambulez, passez de l’un à l’autre. Regardez leurs yeux, leur bouches, leur langue. Descellez, non pas leur idéologie totalitaire, mais leur désir totalisé. La fusion de la libido et de l’écran. Vous êtes dans un asile translucide qui ne souffre aucune contestation. A droite, à gauche, au centre et sur les côtes.
  • Les délires des grandes idéologies totalitaires reposaient sur une volonté d’unifier l’homme à partir d’une doctrine. Ces idéologies sont rassurantes dans des livres d’histoire et de philosophie. Nous en avons fait le tour, plus jamais ça. Le mélange philo, Trump, cul, flux, virtuel, professeur, porno fonctionne à l’envers. Il fragmente, dissémine, liquéfie, pulvérise toute logique.  Il retire les capacités mentales de résistance par sidération sans retour. Il est la bombe atomique miniaturisée et portative que chaque homoncule fait péter des centaines de fois par jour dans son esprit perturbé. Dans cet état de fait, parler d’une soif de démocratie avec les zombies de l’information en continu est aussi délirant que de disserter sur la liberté du désir nomade dans un magasin Apple. Il ne viendrait à l’idée de personne, conscient d’une maladie dégénérescente et incurable, d’appeler la permanence téléphonique du parti Les Républicains. A moins qu’il ne soit déjà entré en phase terminale. Les grands délirants ont souvent tendance, il est vrai, à parler des politiques en boucles. A défaut de gueuler dans la rue avec les schizos de Deleuze sur les rayons de soleil que le président Schreiber aurait dans le cul, déplaçons les sur Internet, dans le Fillon.  Oui, mon ami, nous sommes connectés, démocrates et malades.

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