Donald Trump is a winner

Donald Trump is a winner

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  • Bad publicity is good publicity ! C’est du Donald Trump. Quel talent, quel génie, quel homme. Donald Trump, paraît-il, ne connaissait rien à la politique il y a deux ans. Donald Trump is a winner. Voilà la réponse de Donald Trump. Aucun doute à ce sujet. Donald Trump n’est pas acceptable ? Indigne de représenter la démocratie spectacle ? N’oubliez pas, juges du bon goût et de la morale, de faire vos ablutions dans le bénitier de la gauche divine. De faire moelleux dans l’entre soie. Le peuple a voté, mon distingué ami, la démocratie est passée par-là. Sans ambiguïté. Donald Trump sera le futur président de notre « allier historique ». « Séisme », « tremblement de terre », « tsunami », « choc » ? Réfléchis deux minutes Haroun Tazieff, la terre est indifférente aux changements de goût.
  • Pour comprendre la cascade de réactions négatives qui succèdent médiatiquement aujourd’hui à l’élection de Donald Trump, il serait bon de se souvenir de la cascade de réactions positives dans les heures qui suivirent l’élection en 2008 de Barack Obama. Le 5 novembre 2008, sur un blog du Monde qui n’a jamais eu l’insignifiant honneur d’être mis en avant, j’écrivais ceci sous le titre « Rien ne va plus, les jeux sont faits ». Ce court texte était une réponse à un article publié le jour de l’élection sur le site du Monde, un des phares du bon goût raffiné à la française.

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Rien ne va plus, les jeux sont faits.

« Pour Frédéric Martel, l’avènement de Barack Obama restera comme « une date positive » de l’histoire contemporaine, une sorte de « 11-Septembre à l’envers ». » (1) Non. Distinguons deux choses : d’un côté, l’élection de Barack Obama, les larmes de Jesse Jackson, l’espoir de la minorité noire américaine ; de l’autre, une campagne de publicité planétaire, une promotion du « rêve américain » hissé, en une nuit satellitaire, au statut de modèle absolu pour tous les peuples de la terre. Un modèle économique moribond, une façon d’administrer le monde aberrante, une politique de guerre économique sans limites, tout cela relustré par l’image renaissante de Martin Luther King. Il fallait y penser.

Non pas qu’il y ait là quelques stratégies hautement cyniques (quoique…), non pas que tout ce grand circus de la rédemption états-uniennes soit une énième saison du grand nanar planétaire (déjà écrit de longue date). Non, l’affaire est beaucoup plus triviale : show must go on ! Et pour vendre le show, tout est bon y compris (et j’ose dire surtout) une des causes les moins contestables des revendications politiques du siècle : la reconnaissance des minorités ethniques dans ce pays continent. Dans le fond, on aimerait tous verser une larme authentique et suivre le bon principe de Robert Zemeckis : ne pas douter mais croire. Mais la décision est sans effet : nous n’y croyons plus. Il n’y aura pas de rédemption, pas de nouvelle ère mondiale d’un pacifisme enfin œcuménique. Ces niaiseries ne changeront pas la donne et la donne est viciée.

Plus la donne est viciée et plus il faut enrober le spectacle de ce jeu en trompe-l’œil de causes totales, absolues, indiscutables. Les ressorts de l’écologie sécuritaire, de la mise sous tutelle du politique par avalanche de mesures correctives ne diffèrent pas de ce qui fera advenir, dans le miracle d’une orgie planétaire de symboles à haut pouvoir de fascination (tous plus puissants les uns que les autres), la nécessité d’une nouvelle pax America. Pour quelle raison supérieure faudrait-il se mettre à croire au « rêve américain« , cette idée nuisible de somnambule ? En définitive, le choix est simple : soit le rêve avec Robert Zemeckis, soit le réveil un lendemain de cuite patriotique. « Un 11-septembre à l’envers » et un valium.

(1) Le Monde, 5/11/08, « Un 11 septembre à l’envers ».

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  • Huit ans après, le show politique a muté et ressemble moins à un valium métissé qu’à un grossier suppositoire monochrome. Le sens-tu? Cette fois, la majorité n’a pas exprimé le bon goût d’une minorité – celle qui, cela dit en pensant, n’a pas trouvé opportun de juger, aux plus hauts sommets de l’Etat, les responsables de la crise financière de 2008 qui plongea des pans entiers de la société américaine dans la misère sociale et économique. L’administration Obama est passée très vite à autre chose, en toute sérénité. Sans quitter le bon goût et le métissage, il va de soi.

 

  • Donald Trump, l’avant-gardiste (il est préférable de se mouiller avant, afin d’éviter l’hydrocution électorale) est un milliardaire ? Et alors. Quel prolo medium ne rêve pas de l’être en validant son ticket à la française des jeux le samedi soir ? Donald Trump a une femme sympathique qui a posé le cul à l’air? Et alors. Quel prolo moyen ne rêve pas d’avoir lui aussi sa part de fantasme ? Donald Trump est un être de spectacle. Et alors. Quel prolo médian ne trime pas pour avoir aussi la liberté et le droit fondamental et inaliénable de surfer sur Androïd. Donald Trump est vulgaire ? Et alors. Vulgus et foule sont des synonymes. Donald Trump ça sent la merde ? Et alors. As-tu le talent nécessaire pour apprendre aux prolos communs, dans des écoles publiques, à chier lyophilisé ?

 

  • Si l’on pratiquait un peu la dialectique dans les écoles de journalisme – oui, là-même où la maitrise de twitter fait de vous l’équivalent de Jaurès – les causeurs ulcérés parleraient volontiers du retour du négatif sur la scène de l’histoire. L’Amérique c’est l’Amérique, nous rappelle pourtant avec tact France culture ? Rassurons-nous, Alain Juppé, le nouveau champion proclamé, du haut de son bel âge, sera là en 2017 pour nous sauver de ce qui vient, porté par les alizées de l’obscène. France culture, il est vrai,  a toujours eu du mal avec les questions dialectiques. La culture évite poliment le négatif.

 

  • L’orgie de glose prémâchée sur la victoire d’une femme à la présidence des Etats-Unis après celle d’un homme de couleur n’a pas eu lieu. Une autre se prépare. La France doit montrer au monde entier en 2017 – y compris à l’Afrique subsaharienne, aux rednecks surarmés bas du front et aux ours polaires – son raffinement politique. L’oligarchie financière, les ouvriers appauvris de la rust belt, le retour de la lutte des classes au détriment des amuses bouches LGBT métissage et petit doigt, l’obscène inégalité dans la répartition des services et des biens, les châtelains de Washington sensés représenter les gueux, en un mot le politique, c’est un peu trop sale pour l’esprit français. Nous sommes au-delà de ces basses considérations, répètent en boucle les hommes bien éduqués, nous défendons les valeurs, la démocratie et les droits de l’homme, la diversité et la tolérance universelle. Un certain « esprit » en somme. La mine de loser du président français à l’heure de reconnaître la victoire d’un authentique winner résume à elle seule l’état des lieux. N’oublions pas que nous sommes avant tout le pays du bon goût et de la Fashion Week parisienne.

 

 

 

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