Chevalls à bascule – « Nous avons basculé d’époque »

Chevalls à bascule – « Nous avons basculé d’époque »

 

  • Manuel Valls, premier ministre, en commission des lois, mercredi 27 janvier 2016 : « Nous avons basculé d’époque ». C’est évident Manuel Valls. Enfin, en français, cela donne, sur la même idée : « Nous avons basculé dans une autre époque. » Datons plutôt, la syntaxe n’est pas en état d’urgence.   Nous avons basculé dans une autre époque en septembre 2001. L’effondrement des trois tours du World Trade Center, suivi d’un matraquage planétaire annonçant la guerre illimitée contre le terrorisme (Infinite justice, c’est peu dire), tout cela bien sûr sans enquête sérieuse, à grands coups de War against (fucking) terror sur CNN, aura marqué  les trois coups de ce nouveau siècle. Un siècle dont je ne verrai, par chance, pas la fin. La guerre contre l’Occident, nos valeurs, nos libertés, notre raffinement et notre bon goût. Matraquage relayé par les médias français, sans parler des intellectuels de saison qui théorisèrent, les fesses dans leur fauteuil club, la solidarité sans faille de la nation de la liberté contre la barbarie nihiliste. Amen.
  • Nous avons basculé dans une autre époque quand le gouvernement américain a décidé d’envahir l’Iraq, sans mandat de l’ONU. Le prétexte des armes de destruction massive aidant, la machine de guerre étasunienne pouvait accomplir sa sombre besogne au nom de l’Occident, de nos valeurs, de nos libertés, de notre raffinement et de notre si bon goût. Guantanamo, pour l’exemple. Le retrait de la France, le discours de De Villepin, auront été qu’une petite étincelle de rien dans une logique qui devait nous précipiter dans la guerre dix ans plus tard.   Nous avons basculé dans une autre époque quand au nom de l’Occident, de nos valeurs, de nos libertés, de notre raffinement et de l’excellence de notre bon goût, nous nous sommes assis sur l’exigence de vérité. C’est d’ailleurs ainsi que se sont qualifiés les mouvements citoyens aux Etats-Unis pour la réouverture d’une enquête autonome sur les attentats du 11 septembre 2001 et leurs conséquences planétaires dramatiques. Rôle du gouvernement américain dans tout cela, relations avec l’Arabie saoudite, intérêts militaires et stratégie du chaos régional… Le discrédit porté sur les quelques voix qui se sont faites entendre en France sur ces questions à l’époque est à la hauteur de la démission intellectuelle que j’ai pu cent fois constater ici. Ecrire, avec l’agrégation de philosophie, d’insipides choses reliées sur la joie de vivre est autrement plus rentable. Une logique de collabobo.
  • Nous avons basculé dans une autre époque lorsqu’après son investiture, Barack Obama a affirmé qu’il fallait regarder devant, tirer un trait sur le passé. La couleur de sa peau faisant office de blanc seing – nos idées ont aujourd’hui la profondeur de l’épiderme – l’ère Bush était définitivement derrière nous. En un sens, Obama aura été le fossoyeur de l’Europe politique, le faux ami par excellence. Quel pays ne veut pas d’une Europe politique ? Quel pays sème la guerre et le chaos depuis le début de ce siècle dans des zones qui sont aujourd’hui perdues pour des décennies ? Quel pays enfin a les moyens (relatifs) de cette politique ? Quel pays, disons plutôt quelles puissances infra-étatiques  ont intérêt à, c’est beaucoup plus juste. Complot ? Le traitement global des théories dites du « complot » est notre nouvelle idéologique totalitaire. Penser, c’est comploter contre la bêtise. Nous avons basculé dans une autre époque depuis que nous allumons des bougies en dessinant des petits cœurs et des arcs-en-ciel au lieu de faire de la politique. Nous avons basculé dans une autre époque depuis que la journée câlins fait la une des journaux nationaux. Nous avons basculé dans une autre époque depuis que la vérité est devenue la variable d’ajustement d’un système économique acéphale. Nous avons basculé dans une autre époque depuis que le travail d’analyse, de réflexion, de critique est laissé à des experts à la solde, d’insignifiants technocrates humainement sous-formés ou des philosophes subversifs à moitié débiles. Nous avons basculé dans une autre époque depuis un moment déjà.   Nous avons basculé dans une autre époque, c’est évident. Ou d’époque, dans le fond, tout le monde s’en fout.

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